Yves Saint Laurent est l’un des créateurs de mode qui a profondément marqué la seconde moitié du XXe siècle. Depuis le 1er octobre de cette année, tout le monde peut découvrir comment il travaillait, quelles étaient ses sources d’inspiration, voir ses outils, ses premiers modèles, des croquis, des bijoux, le tout dans un musée propriété de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent installée dans l’hôtel particulier qui abritait la maison de haute couture. C’est en 1974 qu’elle emménage dans cet immeuble du 5 avenue Marceau, au pied du riche 16e arrondissement de Paris. Jusqu’en 2002, il sera le lieu de création et de vente des collections de ce créateur de mode né en 1936 en Algérie, à Oran, et décédé en 2008 à Paris. On lui doit la modernisation du vêtement féminin, plus fluide et aisé à porter, avec notamment l’adaptation des masculins smoking, saharienne, caban, ainsi que la première maison de prêt-à-porter issue de la haute couture, Saint Laurent rive gauche. Et à son compagnon, Pierre Bergé, mort trois semaines avant l’ouverture du musée, la gestion de la maison dont le développement marketing des accessoires et des parfums qui ont assuré le financement de la branche haute couture, activité généralement déficitaire. Propriétaire du musée, la Fondation gère les archives et la collection d’un créateur qui, dès les débuts de sa propre maison de couture, a tout conservé : croquis, dessins, prototypes, bijoux, accessoires, etc. Le principe est de mettre en valeur les différents aspects de l’oeuvre d’Yves Saint Laurent en renouvelant les pièces exposées, ce que l’ampleur de la collection permet aisément : elles le seront régulièrement, à la fois pour les préserver des conséquences d’une exposition trop prolongée, et pour maintenir l’intérêt du public.

Lorsque l’on arrive devant l’entrée du Musée Yves Saint Laurent, rue Léonce Reynaud, les deux marches de l’entrée et le haut escalier qui suit laissent penser que le musée est inaccessible : logique, puisque la rampe escamotable dissimulée dans l’emmarchement n’est pas signalée… Actionnée par le personnel, elle donne accès à un ascenseur qui conduit à l’entresol, premier niveau du musée. Un autre ascenseur dessert les étages, qu’ils soient ouverts au public ou réservés à l’administration. Une salle, dédiée à la projection d’une vidéo sur trois écrans, est inaccessible mais le film peut être visionné sur une tablette. Les cartels rétro éclairés aux textes blancs sur fond noir ou l’inverse sont aisément lisibles, même à quelque distance, Les visiteurs handicapés, ainsi qu’un accompagnateur, bénéficient de la gratuité, et bien évidement des toilettes adaptées ont été installées. Enfin, un fauteuil roulant est prêté sur demande préalable. Après la phase d’ouverture et de « rodage » du musée, son équipe doit s’atteler au chantier d’accessibilité culturelle : élaboration d’un guide de visite en langage universel (variante du Facile à lire et à comprendre), étude et élaboration d’une mallette pédagogique contenant des matières et objets à toucher, visites en Langue des Signes Française. Les audiovisuels doivent dans les prochains jour être sous-titrés en français, complétant ainsi, en haut d’écran, l’actuel sous-titrage en anglais.

Paris, musée Yves Saint Laurent, studio, table de travail d'Yves Saint Laurent.

La visite commence par les salons de réception, qui ont également abrité la boutique d’accessoires. Au mur, des portraits photographiques d’Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé, de grands miroirs à cadres dorés, pas de luxe ostentatoire mais un confort bourgeois. L’exposition débute avec un premier podium qui présente les modèles iconiques, ces vêtements masculins adaptés pour la femme : smoking, saharienne, bleu de travail, trench-coat. Suit un second podium avec les premières collections haute couture, dont la robe cocktail qui fut la première à être vendue. Ces vêtements vivent, chaque podium de prototypes montrant en vidéo les défilés dans lesquels ils ont été présentés. En face, des croquis et fiches d’atelier sous vitrine. La partie « Savoir-faire » propose trois magnifiques vestes brodées et ornées de pierres synthétiques et strass : pas d’or clinquant ni de pierres précieuses chez Saint Laurent ! Exotismes ensuite, avec un podium montrant des prototypes inspirés par la Russie, la Chine, et bien d’autres contrées qu’Yves Saint Laurent a découvertes dans les livres, lui qui n’aimait pas voyager. Une partie didactique présente chaque étape, de la création à la vente, pour expliquer comment fonctionne une maison de couture, avec des interviews vidéo d’anciens de la maison. A l’étage, on découvre le studio dans lequel Yves Saint Laurent élaborait ses prototypes : tables de travail, coupons, passementerie, mannequin sur pied, immense miroir, tout est en place comme si le créateur et ses collaborateurs venaient de s’absenter. Pas de vitrine, la seule protection est une alarme sonore signalée par un trait lumineux au sol, la proximité est totale. Sur le mur du fond, les livres dans lesquels Yves Saint Laurent a puisé ses « exotismes ». Dans la pièce voisine, ce sont les époques que Saint Laurent a explorées : antique, médiévale, classique, années 40 (dont une robe noire qui fit scandale dans les années 70). La visite s’achève avec les robes inspirées par des artistes (Mondrian, Picasso, Matisse, Van Gogh), les bijoux présentés en cabinet de curiosité, les croquis de costumes de scène de théâtre ou music-hall, le célèbre collier Coeur de 1979, fait de strass et cristal rouge, et la robe de mariée Braque portée par Carla Bruni lors du défilé de la coupe du monde de football de 1998. De quoi ravir les amateurs de beaux vêtements, qu’ils puissent ou non les porter !

Laurent Lejard, octobre 2017.


Musée Yves Saint Laurent, 5 avenue Marceau 75016 Paris. Entrée face au 1 rue Léonce Reynaud.

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