Consacré aux arts et civilisations des continents africain, américain, asiatique et océanique, le musée du Quai Branly regorge d’oeuvres fabuleuses. Le défi était de rendre accessible au public des objets usuels, cultuels, cérémoniels, emplis d’un sens que le public français et européen ne connaît pas toujours et que le musée veut leur faire percevoir. Une mission encore plus difficile pour les visiteurs handicapés, pour lesquels une offre adaptée d’activités a été élaborée, dont la directrice des publics, Anne Picq, dresse un bilan très positif tout en restant prudente avec les chiffres de fréquentation : « On a réalisé énormément d’actions couronnées de résultats. Tous les agents sont formés à l’accueil des personnes handicapées, leur attention est très importante, surtout pour les personnes dont le handicap n’est pas visible. On forme les personnels externes à cet accueil, en complément de la formation reçue dans l’entreprise qui les emploie. Pour les activités concernant les groupes, on s’appuie sur des relais. Et pour les individuels, le musée offre une palette de services et d’activités. Lors des expositions temporaires, on est en mesure de proposer une offre identique à celle des autres visiteurs. »

Le musée vise une accessibilité universelle, notamment pour les ateliers proposés aux enfants et aux scolaires: « On n’est pas dans une position passive, mais proactive, poursuit Anne Picq. Dans les expositions temporaires, les fiches de salles conçues pour les visiteurs déficients mentaux sont en fait utilisées par tous les visiteurs. Les tables tactiles élaborées par le lunetier Alain Mikli sont aussi appréciées par tous. Des activités telle ‘L’aventure d’une oeuvre dans le noir‘ est une découverte et un mélange d’expérience entre aveugles et voyants. En février dernier, lors de la Semaine d’événements famille, certaines activités sur la musique ont travaillé sur la vibration osseuse du son, mêlant tous les publics, sourds compris. Ce qui est apprécié par les publics handicapés, c’est qu’ils ont accès à l’intégralité de l’offre d’activités. Ils sont très agréablement surpris des outils proposés, on sent une grande satisfaction. »

Pour autant, le musée poursuit son travail de recherche et d’élaboration d’outils innovants, dont certains seront testés pendant la Semaine de l’accessibilité : une galerie tactile, la découverte de l’expo temporaire Mayas avec des fiches en relief et braille, l’application en Langue des Signes Française des Experts quai Branly: « On aimerait développer une meilleure proposition, avec des espaces tactiles, des actions autour des instruments de musique en direction des personnes déficientes auditives. On fait du benchmark. Par exemple, le spectacle Frontières [représenté pendant la semaine de l’accessibilité NDLR] est un conte visuel, une proposition internationale accessible à tous, avec les différentes nationalités. »

Guide conférencière au musée, Marie-Odile Fontaine travaille pour les groupes ou les individuels, quel que soit leur handicap, et assure également des visites ouvertes à tous. « Il y a peu de participants sur les visites spécifiques à un type de handicap, et presque personne sur les visites handicap mental. Mais pour les aveugles et déficients visuels, il y a plus de monde, six à huit personnes. » Ce sont les visites mêlant personnes valides et handicapées qui fonctionnent le mieux, par exemple celle qui aborde le thème de la différence : « Pour chaque continent, ajoute Marie-Odile Fontaine, on présente un objet ou une oeuvre représentative de la différence. Au musée, la mixité est peu fréquente, alors dans cette visite il y a beaucoup plus d’échanges qu’avec un public lambda, elle est plus riche en retour, le public valide ressent un plus, une ouverture. On peut toucher quelques oeuvres, utiliser des extraits sonores, la rivière tactile, des documents en relief. Sans cette visite, la rivière serait restée un peu obscure pour les visiteurs voyants, alors qu’elle apporte beaucoup d’informations avec un contenu scientifique exigeant. Le public des personnes handicapées pose des questions différentes, demande des précisions sur l’objet présenté comme sa forme ou son usage, ou plus spécifiques. Par exemple, les visiteurs handicapés mentaux sont réactifs sur le voyage chamanique, ils posent des questions, ressentent les fétiches, alors que pour nous ces fétiches ne fonctionnent plus. »

Marie-Odile Fontaine conserve un souvenir émerveillé de cette proposition: « Les visites que j’ai faites avec un public mixte ont toutes été des visites exceptionnelles. On ne fait pas du théorique, on vit ce qu’on expose. Mais c’est trop rare, il y a encore une grande barrière entre publics handicapés et valides. Il faudrait programmer davantage de visites mixtes tout public, y compris avec des visiteurs venant d’institutions médico-sociales. Pour inciter dans les deux sens: les personnes handicapées vers les valides, les valides vers les personnes handicapées. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, novembre 2014.

Le musée du Quai Branly (Paris 7e) organise sa biennale Semaine de l’accessibilité du 29 novembre au 7 décembre 2014. Au programme, des visites guidées ou contées, des ateliers (dégustation dans le noir, danse du corps et des mains , objets magiques, etc.), des rencontres et lectures, des spectacles, des séminaires pour professionnels de l’accessibilité: un très riche programme !

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