Cela se passe à Champigny-sur-Marne, ville résidentielle de l’Est parisien. Dans le hall du centre culturel Gérard Philippe, un parcours sensoriel dans le noir a été aménagé avec de l’idée et peu de moyens. Des rideaux créent un noir complet et les explorateurs zigzaguent au milieu de multiples sons en suivant un fil d’Ariane : une corde fixée sur des poteaux et dans laquelle sont enfilées divers objets et matières, poupon en celluloïd, éponge mouillée, grattoir et autres. Ce toucher changeant dans un environnement sonore variable, basé sur des bruits de la ville, au sein d’un noir profond, génèrent une perte des repères dans l’espace et un malaise qu’il faut apprendre à gérer. Cet espace a été essentiellement exploré par des enfants des classes primaires qui ont été confrontés à leur peur du noir, il faisait partie d’un parcours initiatique du handicap.

Durant six mois, ces élèves répartis dans près d’une trentaine de classes ont évoqué le handicap, la perception qu’ils en ont, face à une personne handicapée et un professionnel de santé. Ces échanges ont été mis sur le papier, qui en bande dessinée, qui en courtes phrases; collés sur des panneaux, ils seront exposés au public. Les trois premiers panneaux mettent en évidence des idées reçues, des représentations médiatiques, des perceptions parfois justes, mais surtout une volonté de vivre ensemble. Si sur un panneau deux sourds sont montrés un tronc à la main en train de quêter, d’autres dessins évoquent l’école et les jeux en commun dans la cour de récréation, le sport en fauteuil roulant (basketball). La méconnaissance des aptitudes est flagrante dans certains propos, comme « un aveugle ne peut pas faire la cuisine ». Le travail de réflexion de ces élèves devrait permettre de corriger des images faussées du quotidien des personnes handicapées, de leur capacité à vivre comme tout le monde.

L’auteur et metteur en scène Didier Berjonneau va tenter, dans une pièce de théâtre intitulée « Des vies exceptionnelles » de briser ces représentations toutes faites. Il introduit un personnage de chef d’entreprise handicapé moteur, sur fauteuil électrique. Ce dirigeant refuse d’adapter le poste de travail d’une employée de petite taille dont le sommet du crâne émerge à peine du comptoir derrière lequel elle reçoit le public : elle accepte de travailler ainsi où elle démissionne. Ce type de scène est issu de témoignages recueillis, mais le personnage « d’handicapé méchant », plus soucieux du résultat financier que des conditions de travail, brise le schéma de « l’handi opprimé », dont il faut être nécessairement solidaire. Ce personnage pourra choquer, irriter, il est joué par Marc Colmar, co-auteur du texte, qui vit sur un fauteuil roulant électrique du fait d’une maladie neuro- dégénérative. « Son handicap fait ériger son personnage en cheffaillon, jouant de son autorité » précise Didier Berjonneau. A chacun de se faire son idée…

Jacques Vernes, avril 2004.

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