Le ministère de la Culture mène actuellement deux actions complémentaires portant sur l’accueil dans les lieux culturels qu’il subventionne. La première, sous la responsabilité de la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) consiste en un questionnaire détaillé adressé à plus de 250 établissements. La seconde est une mission d’enquête approfondie confiée par le ministre, Jean- Jacques Aillagon, à l’inspecteur général Jacques Charpillon.

Un questionnaire presque exhaustif.
 Dans les premiers jours de février 2003, les lieux culturels subventionnés par le ministère ont reçu un questionnaire très précis destiné à évaluer les conditions d’accueil des personnes handicapées. Il a été adressé aux cinq théâtres nationaux, aux 40 centres dramatiques et aux 19 centres chorégraphiques nationaux, aux 70 scènes nationales, aux 18 théâtres et scènes lyriques, aux 77 scènes de musique actuelles et aux 10 zéniths ainsi qu’à une vingtaine de festivals nationaux et jeune public. Les établissements concernés doivent retourner leurs réponses avant le 1er mai 2003.

L’ensemble des déficiences est pris en compte. Les questions portent autant sur l’accessibilité architecturale que sur les aides au spectacle tels le sur- titrage ou l’audiodescription. La formation du personnel et l’information du public sont évoqués. On pourra déplorer l’absence de questions explicites relatives à l’accueil et aux services destinés aux personnes handicapées mentales. Autre lacune, l’accompagnateur d’une personne sur fauteuil roulant : rappelons que les salles de spectacles ne réservent pas forcément un siège proche de l’emplacement réservé, comme dans les opéras de Paris- Bastille ou de Lyon, ce qui oblige un couple à être séparé ou la tierce- personne à s’éloigner de celle dont elle a la garde. Autre question d’importance qui n’est pas traitée ici, la politique tarifaire. Si les salles ont la liberté d’appliquer des tarifs dits sociaux, y compris aux personnes handicapées, le problème est ailleurs : quel prix de places doivent payer celles et ceux qui, du fait de leur handicap et/ ou de l’accessibilité partielle d’une salle, n’ont pas la liberté de choisir? Lorsque des personnes handicapées motrices n’ont d’autre accessibilité que celles des places d’orchestre, généralement les plus chères, ont- elles les moyens de les payer? A revenu égal, un spectateur valide dispose de la liberté d’acheter une place qui correspond à ses moyens et ses envies.

Une mission d’inspection. Il reviendra probablement à Jacques Charpillon, inspecteur général de l’Administration, d’examiner cette problématique. Il débute ce mois- ci une mission ciblée sur une douzaine de lieux destinée à « mieux connaître les initiatives qui se développent actuellement » selon les termes de sa lettre de mission dans laquelle le ministre de la Culture rappelle que la situation française est « souvent jugée moins positive […] que dans d’autres pays comparables ». Jacques Charpillon se souvient notamment avoir assisté à la mise en place, il y a une vingtaine d’années, des premières visites guidées en langue des signes dans un musée national. « On n’est pas certain que tous les besoins spécifiques soient convenablement couverts, estime- t-il, avec une ampleur suffisante par rapport à l’attente des publics ». Jacques Charpillon conduira une « enquête serrée » afin d’effectuer un état des lieux servant de base à des propositions afin de lancer une politique rattrapant le retard français. Il compte échantillonner les familles d’établissements : enseignement de la musique, de la danse et de l’architecture, salles de spectacles, bibliothèques nationales, musées nationaux, monuments historiques. Jacques Charpillon rencontrera également les associations locales, tout en relativisant leur représentativité: « elles ne sont pas assurées d’être le porte- parole idéal d’une demande culturelle latente, mal formulée, peu organisée ». Apprécier l’attente du public est en effet un casse- tête pour les gestionnaires d’équipements : « il ne faut qu’ils se contentent d’attendre le client, ils doivent démarcher, informer. C’est bien d’aménager son établissement, c’est tout aussi bien d’en faire la promotion pour que le maximum de personnes handicapées puissent en profiter. Cela implique également une politique tarifaire adaptée ». Le rapport de Jacques Charpillon doit être déposé durant l’automne prochain, pour qu’une première série de mesures soit mise en place dès 2004.

A la fin de cette année, la situation aura été évaluée pour l’ensemble des établissements culturels subventionnés par l’Etat avec l’objectif de les rendre exemplaires. Pour ce qui concerne les établissements gérés par les collectivités locales, « on peut imaginer que l’Etat conditionne ses subventions, qui sont très importantes, à une politique active en matière de handicap » suggère Jacques Charpillon. Catherine Tasca, ministre de la Culture du précédent gouvernement, avait initié cette doctrine lors du colloque « Mieux vivre la Cité » le 20 février 2002. Ce principe a été retenu par son successeur, Jean- Jacques Aillagon, dans sa note d’orientation aux directions ministérielles et décentralisées, en date du 24 décembre 2002. On peut légitimement estimer que cette sanction financière éventuelle sera un élément essentiel de l’amélioration de l’accès à la culture pour les personnes handicapées…

Laurent Lejard, mars 2003.

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