Créé en mai 1995, l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement n’a pas fêté ses 25 ans d’existence. Et pour cause, le Gouvernement cherche à supprimer le seul organisme qui contrôle la sécurité des élèves et des personnels exerçant dans les écoles, collèges et lycées publics comme privés, et s’assure de leur conformité aux règles d’accessibilité. Mais au fil des rapports, cet Observatoire est devenu gênant pour les communes, propriétaires des milliers d’écoles que compte la France, et l’administration centrale du ministère de l’Education Nationale : « Il est alors apparu nécessaire de développer des compétences dédiées au sein du ministère à travers la création d’une cellule bâti scolaire rattachée au secrétariat général, répondait le ministre le 19 mars dernier à une question écrite du sénateur centriste Jean-Marie Janssens. Celle-ci travaille notamment à définir l’organisation et les dispositifs à mettre en place pour améliorer la protection de la santé et la sécurité des élèves et des personnels en lien avec l’ensemble des acteurs concernés au premier titre desquels les collectivités territoriales […] Les missions assurées par l’observatoire n’ont pas vocation à disparaître mais à être portées par les services du ministère afin d’assurer une déclinaison opérationnelle rapide des préconisations émises. »

Si le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique contenait la disparition de l’Observatoire, le Sénat a rétabli celui-ci le 5 mars dernier en pointant l’incohérence du Gouvernement : « En février 2019, c’est pourtant lui qui introduisait, par un amendement au projet de loi pour une école de la confiance, une disposition obligeant les collectivités territoriales à suivre les recommandations de cet observatoire pour la construction ou la rénovation de tout bâtiment scolaire, soulignait la rapporteure Patricia Morhet-Richaud, ajoutant que cela revenait à substituer « un organe consultatif – l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des bâtiments d’enseignement – pour en recréer ensuite un autre – ce comité de suivi ! Où est la simplification ? ». Les sénateurs ont étrillé la volonté gouvernementale, et les députés auront leur mot à dire dans quelques semaines ou mois. Dans l’intervalle, l’Observatoire aura déménagé pour la troisième fois en neuf ans. Devenues obligatoires pour les collectivités territoriales par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, les « recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement » pourraient disparaître prochainement. Son président, Jean-Marie Schléret, qui fut également président du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées de 2002 à 2009, s’exprime.

Question : Qu’est-ce qui dérange avec cet Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ?

Jean-Marie Schléret : Lors du dernier rendez-vous au ministère, le 6 novembre 2019, avec la secrétaire générale Marie-Anne Lévèque et des conseillers du cabinet du ministre, ils ont rejeté la faute de cette suppression sur les services du Premier ministre : « On n’a pas pu faire autrement, on aurait bien voulu ». Pourtant, ils sont dithyrambiques sur les travaux de l’Observatoire, ils les apprécient beaucoup, mais ils pensent que c’est à l’administration de le faire dorénavant. L’intention du ministère est d’avoir son propre outil, parce qu’il considérait que l’Observatoire, étant donné sa composition pluripartite avec les collectivités locales, les syndicats et d’autres ministères, n’était pas un instrument dont il pouvait disposer à sa guise. Sur les 51 sièges, l’Education Nationale n’en avait que deux. L’enquête sur le risque amiante avait souverainement embêté, elle avait fait la Une de Libération en février dernier. Le ministre avait été interpellé à l’Assemblée Nationale sur l’enquête que l’Observatoire avait conduit en 2016 à la demande du secrétaire général d’alors. De nombreux directeurs d’écoles nous avaient répondu « ce n’est pas à nous de répondre, c’est aux mairies ». C’était la même chose l’an dernier quand nous avons pointé des insuffisances en matière de qualité de l’air intérieur. Le ministère souhaitait mieux maitriser tout ça, et se passer d’un avis indépendant qui est celui de l’Observatoire. Alors que vis-à-vis des uns et des autres, on est impartial. En fait, la suppression est en route depuis juillet 2019 : pour tout ce qui concerne le bâti scolaire, un chargé de mission a été recruté à cette période, Sidi Soilmi, sauf que depuis rien ne se passe. Il a rencontré deux fois mes collaborateurs pour voir comment ils accepteraient de s’intégrer dans la cellule en voie de création.

Question : L’Observatoire s’intéresse à la sécurité et l’accessibilité, or 80% des normes d’accessibilité découlent de celles de la sécurité…

Jean-Marie Schléret : Absolument. Pour ce que j’en sais, ce n’est pas pris en compte par la nouvelle cellule du bâti scolaire. L’accessibilité est pour nous une mission importante. Dans le rapport qui sera remis dans quelques jours au ministre, elle prend encore une part importante. Quand nous avions sorti en 2015 l’enquête sur les écoles neuves montrant que 25% n’étaient pas accessibles, cela n’a pas beaucoup plu. Le ministère ne tenait pas à se mettre mal avec l’Association des Maires de France.

Question : Il faut ne pas faire de vagues, comme cela s’est produit avec l’Observatoire de l’accessibilité et de la conception universelle (Obiacu) discrètement « éteint » en 2015 sans qu’il soit supprimé dans la loi ?

Jean-Marie Schléret : Aujourd’hui, on peut dire que notre Observatoire existe toujours grâce au Sénat, mais de manière virtuelle. La réglementation limite à cinq ans la durée des conseils nationaux consultatifs, et l’Observatoire arrive à expiration ce 5 juin. Un décret du 25 mai signé du ministre de l’Education Nationale renouvelle certains organismes pour cinq ans mais pas l’Observatoire, et quand on nous dit qu’on est le seul qui restait et que le Premier ministre voulait supprimer, c’est faux, il y en a d’autres. Autre incohérence, nous sommes au Carré Suffren avec l’inspection générale dans le 15e arrondissement de Paris, et l’administration a décidé de déménager parce que la location revient trop cher. Et nous faisons partie de la charrette de déménagement de la médiatrice de l’Education Nationale à Vanves (Hauts-de-Seine), on nous a fait visiter les locaux, ils sont parfaits, nous déménageons le 25 juin. Cela devient ubuesque!

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2020.

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