« Vous voyez, c’est accessible… Ah non, ça ne l’est pas. » Il a suffit d’un regard pour que la Présidente du Conseil Régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, constate que l’expérimentation d’un service de transport par véhicules autonomes n’était pas utilisable par un usager en fauteuil roulant : le véhicule stationne de biais et trop loin du quai du point d’arrêt. Depuis le 3 juillet dernier, ce service de transport autonome est proposé pendant six mois sur le parvis de La Défense (Hauts-de-Seine), pour relier trois points d’arrêts. Là, ce sont des navettes sans conducteur du fabricant français Navya qui sont utilisées par l’opérateur Keolis, avec toutefois un conducteur de cette entreprise qui s’assurera pendant les trois premiers mois du bon fonctionnement et interviendra si nécessaire, au moyen d’une console de commande. C’est lui qui devra déployer une rampe d’accès manuelle, transportée pliée dans le véhicule, et informer les usagers déficients visuels, faute d’autre dispositif. On aurait pu croire que cette expérimentation servirait à valider un service dans toutes ses composantes, la réalité diffère quelque peu…

« Là, il s’agit d’une expérimentation, et dès septembre la navette sera dotée d’une plateforme dépliable automatique qui pourra être actionnée par un bouton à l’extérieur, justifie Valérie Pécresse. C’est absolument indispensable et vous savez que tous les transports qui sont définitivement adoptés en Île-de-France sont des transports 100% accessibles. » Mais pour quels usagers handicapés ? « Jusqu’au mois de septembre, il y aura un opérateur à bord pour déployer une rampe manuelle, rappelle le PDG du groupe Keolis, Jean-Pierre Farandou. Ensuite les véhicules seront dotés d’une palette automatique. On expérimente actuellement ce système à Lyon et ça marche très bien. La nouvelle version des véhicules [de La Défense] sera prête en septembre. » Qu’en sera-t-il des points d’arrêts, les véhicules autonomes pouvant s’arrêter à la demande des personnes transportées ? « Il faudra qu’il y ait suffisamment d’arrêts accessibles; c’est l’idée, poursuit Jean-Pierre Farandou. Si ce sont des arrêts prévus, ils seront accessibles, normalement ce service s’exploite avec des arrêts prévus et donc accessibles. » On ne prendra donc pas les « Navyettes » à la volée. Mais les usagers déficients visuels devront attendre pour que ces points d’arrêts soient repérables et détectables : « On le fera petit à petit, conclut Jean-Pierre Farandou. C’est une expérimentation, les choses se feront en avançant avec les associations qui seront associées à la mise au point graduelle de l’accessibilité. » Associations qui pour l’instant n’ont pas été conviées et ne se sont pas intéressées d’elles-mêmes à ce nouveau mode de transport… Mais c’est la présidente de région qui aura le dernier mot : « Il faut qu’au moment de la mise en exploitation tous les types de handicaps soient pris en compte selon les normes d’Île-de-France Mobilités [nouvelle appellation du Syndicat des Transports d’Île-de-France NDLR]. »

Mais pourquoi ne pas avoir conçu directement des navettes accessibles ? « On est confrontés à des enjeux industriels qui sont colossaux, explique Christophe Sapet, PDG de Navya. On est une petite société, on s’attèle à respecter les contraintes, on comprend les soucis du quotidien pour les personnes qui ont des déficiences. Mais on doit traiter cela au niveau mondial, avec des réglementations différentes, des soucis différents en fonction des climats. Par exemple, aux Etats-Unis les rampes d’accès sous les véhicules ça ne fonctionne pas à cause de la neige en hiver, elles sont dans les véhicules. » Navya espérait pouvoir proposer un seul matériel utilisable partout dans le monde mais l’obligation nationale d’accessibilité en autonomie en décide autrement, les navettes seront différentes d’un pays à l’autre. Rendez-vous à l’automne pour constater ce qu’il en sera…

Laurent Lejard, août 2017.

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