Président du Groupement Français des Personnes Handicapées (GFPH) et dirigeant de l’Organisation Mondiale des Personnes Handicapées (OMPH), Jean-Luc Simon était l’heureux locataire, depuis près de 18 ans, d’un appartement adapté de trois pièces situé dans le 19e arrondissement de Paris. Il l’avait obtenu par l’intermédiaire de l’Association d’aide pour l’adaptation du logement des personnes en situation de handicap (ALGI), qui avait réservé auprès d’un bailleur social, l’Immobilière 3F, un programme d’une dizaine d’appartements adaptés à des locataires handicapés moteurs intégrés dans un vaste immeuble neuf. Certes, si l’immeuble et les appartements étaient accessibles, et les sanitaires adaptés aux normes de l’époque, l’accès au balcon était impossible en fauteuil roulant. « Moindre mal », pensait alors Jean-Luc Simon.

Jusqu’à ce qu’en avril 2006 les locataires apprennent qu’une rénovation partielle des appartements allait être effectuée par l’Immobilière 3F. Si une concertation eut lieu avec les occupants, les besoins des résidents handicapés n’ont absolument pas été pris en compte. Résultat, par une matinée de l’hiver 2007, Jean-Luc Simon vit débarquer chez lui des ouvriers venant modifier salle de bains et WC pour les lui rendre inutilisables ! Il les renvoya. Quelques semaines plus tard, d’autres ouvriers se présentaient pour poser une nouvelle porte palière avec seuil proéminent : il les renvoya encore. S’ensuivit une escalade de courriers allant, de la part de l’Immobilière 3F, jusqu’à la mise en demeure : il fallait, sous peine de poursuites judiciaires, que les locataires handicapés laissent leur appartement être rendu inadapté !

Après la crise vint la négociation, conduisant, en 2009, le propriétaire à transformer un logement identique inoccupé en « appartement témoin » : tout y serait adapté, de l’entrée à la salle de bains (mais toujours pas le balcon, dont la superficie est pourtant incluse dans le montant du loyer…). La visite de cet appartement témoin est édifiante quant à la méconnaissance des besoins des personnes handicapées. Ainsi, la porte palière est-elle équipée d’un seuil difficilement franchissable, alors même qu’il faut la maintenir pour éviter de heurter la porte des WC située juste derrière… Seule une douche est proposée, dont l’eau est évacuée par une pompe aspirante très bruyante et à faible débit, entrainant inondations et nuisances sonores dans l’immeuble. Des deux portes supposées hermétiques qui la ferment, une seule est manoeuvrable une fois assis sur l’étroit siège de douche; en fait, cette installation est conçue pour une personne non autonome. La porte pivotante de la salle de bains est difficile à ouvrir à cause de son débattement et l’Immobilière 3F refuse (sans le justifier) l’installation d’une porte coulissante…

Les péripéties et incidents de cette opération de rénovation seraient trop longs à détailler. Jean-Luc Simon préfère en tirer leçon : « C’est ce qui arrive quand les professionnels n’écoutent pas ce que les occupants handicapés proposent. On souhaitait des solutions qui nous soient adaptées, et je le crois, moins chères que ce qu’on a voulu nous imposer. Les professionnels du logement social sont performants pour travailler sur un grand nombre d’appartements, mais ils ne savent pas faire du sur-mesure ». Une expérience que Jean-Luc Simon peut mettre à profit pour aider une candidate locataire à laquelle un organisme social propose un appartement « adapté » dans le 18e arrondissement de Paris; il vous en propose une édifiantevisite guidée.

Sollicitée à plusieurs reprises, l’Immobilière 3F n’a pas été en mesure de répondre à nos questions…

Laurent Lejard, septembre 2010.

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