La Délégation ministérielle à l’accessibilité a publié le 19 octobre dernier un guide pratique : « Les locaux des professionnels de santé : réussir l’accessibilité ». C’est une excellente initiative, même si elle vient un peu tard. La loi date de 2005 et doit être appliquée au 1er janvier 2015. La page « Remerciements » cite les vingt-deux Ordres, Conseils, Unions, et Fédérations professionnelles consultées… mais aucune association de personnes handicapées ! Ceci explique peut être cela : hormis une indication, non obligatoire, page 19, sur la possibilité d’équiper un vidéoportier d’une induction magnétique, ce guide ne fournit aucune indication pour améliorer l’accessibilité des soins aux personnes sourdes ou malentendantes. Certes, ce n’est pas une question d’architecture, mais pourquoi réduire l’accessibilité au seul cheminement d’un fauteuil roulant et aux travaux de bâtiment ?

L’oubli est d’autant plus catastrophique que l’accès aux soins reste très difficile pour les sourds. C’est l’incapacité parmi les plus durement ressenties. Les professions de santé n’ont pas bénéficié de formation initiale à l’accessibilité. Elles sont aussi ignorantes que le reste de la population. Malgré une bonne volonté générale, elles sont incapables d’imaginer des solutions, tant il est impossible de se mettre à la place d’une personne dite « handicapée » et comprendre ses besoins spécifiques.

Parmi les situations de handicap des personnes sourdes, on remarque l’impossibilité de prendre rendez-vous par téléphone, le risque de manquer son tour en salle d’attente (un sourd a, par exemple, attendu une nuit entière aux urgences car le service n’avait pas saisi que le patient ne pouvait entendre l’appel de son nom !), comment financer un interprète en LSF, le risque de ne pas comprendre sa pathologie (incroyable mais vrai !) et de mal suivre le traitement prescrit, l’impossibilité de passer certains examens en « aveugle » (autre exemple, récemment, le refus par un praticien, de faire passer une IRM). Et ainsi de suite comme l’explique ce tableau des besoins spécifiques. La plupart de ces difficultés sont facilement compensables avec de bonnes pratiques, encore faut-il les connaître. Le guide sur les locaux des professionnels de santé était une belle opportunité de le faire.

Par ailleurs, et cela concerne tout le monde, un « PS3 » de cet ouvrage affirme que les cabinets médicaux sont dispensés d’accessibilité s’ils servent aussi d’habitation principale ! C’est très souvent le cas. Cette argutie juridique est un moyen de contourner la loi 2005-102 et dans ces conditions, la quasi-totalité des cabinets médicaux restera inaccessible ! La loi 2005-102 prescrit l’accessibilité pour tous. C’est l’une de ses grandes qualités. Le ministère tente, avec pertinence, d’abandonner le concept d’accessibilité pour celui de conception pour tous. Mais oublier six millions de personnes sourdes ou malentendants, est-ce bien pour tous ?

Le cas n’est pas isolé, nous avons rencontré le même oubli des sourds dans un guide consacré à la conception des gymnases publié par le Ministère des Sports en mai 2012. L’esprit et la lettre de la loi se perdent, l’accessibilité pour tous se réduit à celle de quelques-uns. Nous retombons en quelque sorte dans les ornières creusées, depuis si longtemps, par les roues des fauteuils roulants !

Nous attendons donc que le guide « Les locaux des professionnels de santé : réussir l’accessibilité » soit complété rapidement et, qu’à l’avenir, aucun guide ne soit publié par un service public sans traiter de l’ensemble des situations de handicaps. Si des éléments font défaut, nos associations les fourniront et beaucoup sont déjà disponibles en ligne, gratuitement…


Marc Renard, Président de l’Association 2AS, novembre 2012.

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