Il ne se passe pas de semaine sans remise de trophées à des entreprises, des associations, des particuliers qui font « changer le regard », mènent des actions d’intégration, lancent des réalisations de qualité (parfois). Dans la quasi-totalité des cas, ces distinctions sont décernées sur dossier, sans visite de terrain ni appréciation réelle du travail effectivement réalisé. La plupart de ces trophées et récompenses sont, en fait, des actions de communication sinon de propagande, conçues pour valoriser l’organisateur qui en espère des retombées positives en terme d’image.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le « Recueil 2011-2012 de belles pratiques et de bons usages en matière d’accessibilité de la cité » publié en pleine campagne électorale par le Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement nouvellement rattaché au Premier Ministre… En Editorial, la Déléguée Ministérielle à l’Accessibilité, Marie Prost-Coletta, justifie la démarche gouvernementale qu’elle fait sienne. Pour réaliser ce Recueil, elle avait lancé un appel à candidatures qui a reçu 220 réponses, tous acteurs confondus, dans un pays qui compte 36.000 communes, 101 départements, 27 régions, 650.000 Etablissements Recevant du Public et des milliers d’opérateurs de transport. De ces dossiers, 14 ont été distingués d’un titre de Lauréat par un jury national après avis de comités départementaux mobilisant de nombreux intervenants, chapeautés d’un comité d’experts.

On aurait apprécié de voir une telle mobilisation des services de l’État, mais au long cours, via les Préfets par exemple, pour stimuler l’action de terrain, informer les collectivités locales, établir et actualiser le tableau de bord des commissions, schémas et plans d’accessibilité institués par la loi du 11 février 2005, suivre l’avancement des réalisations pour adapter à la marge les situations très particulières, celles que la loi et le règlement n’ont pas prévues. Mais l’État centralisé et son Gouvernement se sont désintéressés de la mise en oeuvre effective de la loi, laissant le retard s’accumuler, tentant de reculer les échéances légales, refusant de doter l’Administration de réels moyens pour informer les acteurs de terrain et les inciter à agir avant qu’il ne soit trop tard. Le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées vient d’ailleurs de le rappeler dans l’avis qu’il a rendu sur le rapport gouvernemental résultant de la Conférence Nationale du Handicap du 8 juin 2011.

La France risque en effet de se retrouver, en 2015, dans la même situation que les Etats-Unis en 2000 et le Royaume-Uni en 2005 : dans ces pays, une législation sur l’accessibilité comportant des obligations de résultat laissait un délai de 10 ans pour adapter ce qui était ouvert au public, et de nombreux propriétaires ou gestionnaires ont hurlé au loup au dernier moment, qu’ils n’étaient pas prêts, qu’il fallait retarder l’échéance !

Bien sûr, il est très intéressant de disposer d’exemples de réalisations qui font progresser l’accessibilité. Mais ce procédé, d’ailleurs bien tardif, ne constitue qu’une partie de la démarche pédagogique encore à réaliser : l’exemplarité d’une bonne pratique ne vaut que lorsqu’elle est mise en parallèle avec une mauvaise. Les élus locaux, les gestionnaires d’Etablissements Recevant du Public ou d’activités ouvertes au public ont besoin de repères pour appréhender leurs lacunes, et pour cela, le bon exemple ne suffit pas : tous les acteurs de terrain le vérifient au quotidien. Alors, on aimerait voir une approche plus constructive, bâtie sur la comparaison du bon avec le mauvais (un peu aussi pour lui faire honte) afin de montrer les possibles tout en s’éloignant d’une communication « bisounours » dégoulinant d’eau de rose…

Laurent Lejard, mars 2012.

Le « Recueil 2011-2012 de belles pratiques et de bons usages en matière d’accessibilité de la cité » est téléchargeable au format pdf.

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