Des personnes handicapées accueillies en établissement, privées de prise en charge de leurs frais de transport, ou demandant un logement adapté et priées de communiquer leur dossier médical personnel à titre justificatif : tels sont les derniers incidents en date résultant de la vitesse avec laquelle les nouvelles dispositions en faveur des personnes handicapées sont mises en oeuvre ou élaborées.

La première affaire porte sur le transfert à la Prestation de Compensation du Handicap des dépenses de transport entre domicile et établissement d’hébergement. Ces dépenses étaient prises en charge par l’Assurance Maladie dont les caisses ont commencé à appliquer la nouvelle réglementation sans attendre que les bénéficiaires aient obtenu de leur Maison Départementale des Personnes Handicapées une prestation équivalente. Or, il faudra de 4 à 12 mois aux personnes concernées pour obtenir une décision à cet égard, du fait de l’encombrement des commissions décisionnaires et de la disparité des moyens qui leur sont affectés par leur Conseil Général respectif. Pour calmer les protestations qui émergeaient de toutes parts, le Ministre chargé des personnes handicapées et de la Sécurité Sociale a dû demander à cette dernière de poursuivre ses prises en charge tant que les situations individuelles ne seraient pas réglées. Cela rappelle une autre affaire : le retard considérable pris par les services de l’Etat dans les aides aux étudiants handicapés, que l’Agefiph voulait cesser de financer dès 2006. La lenteur proverbiale de l’administration de l’Education Nationale l’a contrainte à poursuivre cette prise en charge.

La seconde affaire résulte du bâclage d’une loi démagogique parce que les observateurs savent déjà qu’elle sera inapplicable faute d’une offre de logement suffisante et à loyer abordable par les personnes démunies : la loi établissant un droit au logement opposable élaborée à la va-vite et adoptée à la hussarde début mars, en clôture de la législature. Dans son article 35, une disposition mal écrite autorise un bailleur à demander à un demandeur de logement adapté de fournir son dossier médical personnel. Ce dossier est en cours d’expérimentation avant son déploiement obligatoire l’an prochain dans le cadre des mesures d’économies supposées des dépenses de santé; composé d’un fichier informatique, il contiendra toutes les consultations, pathologies, prescriptions, actes opératoires et médicaux, etc., retraçant en quelques clics le parcours de santé de chaque assuré social. Un Big Brother médical auquel nombre de sociétés privées rêvent d’avoir accès pour tarifer une assurance, décider d’une embauche, accorder un prêt. Le législateur a bien prévu que ce dossier médical personnel soit consultable uniquement par les médecins et la personne concernée, mais c’est pourtant le même législateur qui a introduit dans la loi sur le droit opposable au logement la consultation de ce dossier par un bailleur ! Selon les ministères chargés du Logement et de la Sécurité Sociale, cette disposition serait une erreur résultant d’une confusion entre dossier médical personnel et certificat médical, erreur qui sera réparé par un amendement législatif débattu durant la prochaine législature. Il reste à espérer que les ministres du prochain gouvernement et les députés de la future Assemblée Nationale, qui hériteront du règlement de cette boulette, ne tarderont pas à la traiter car on imagine aisément certains propriétaires exiger de leurs candidats locataires handicapés encore plus qu’ils ne le font d’ores et déjà des valides…

Laurent Lejard, avril 2007.

Partagez !