Réunissant cinq ministres face au gotha parisien et breton des associations de personnes handicapées, le colloque d’ouverture de l’AEPH en France avait un air de déjà- vu. Rappelez- vous, un an plus tôt, le gouvernement de la gauche plurielle présentait son bilan et ses perspectives d’action, trois mois avant l’élection présidentielle, par la voix de huit ministres devant le Tout- handicap réuni à l’Unesco (Paris). Le 3 février 2003 à Rennes, dans une salle lugubre et froide, le gouvernement Raffarin s’est livré au même exercice, avec la même organisation en tables- rondes soigneusement préparées par des interviews préalables des participants, et le même animateur, le journaliste Stéphane Paoli.

Première différence, la parole n’a pas été donnée à un public qui ne l’a d’ailleurs pas revendiquée. Deuxième différence, les ministres ont voyagé léger: rien de nouveau n’a été annoncé. Ce colloque à sens unique a néanmoins permis de mettre en évidence l’intérêt et l’engagement de celles et ceux qui ont la charge de mettre en oeuvre la politique en faveur des personnes handicapées. Après la lecture par Marie- Thérèse Boisseau d’un message du Président de la République, c’est le ministre de la santé et des personnes handicapées, Jean- François Mattéi, qui a ouvert le ban. Son discours ne nous a rien appris de plus sur sa politique et ses intentions. Sitôt achevé, sitôt parti: M. Mattéi a probablement estimé n’avoir rien à apprendre…

Mais comment considérer l’attitude de Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, qui a passé son temps durant « sa » table ronde à se tordre les mains en tous sens, à se nettoyer les dents avec la langue, à regarder sa montre, à se gratter le nez? Certes, on peut comprendre qu’il ne lui était pas agréable d’entendre l’italienne Anna- Maria Comito présenter l’intégration généralisée des enfants handicapés à l’école ordinaire, initiée par les parents et des enseignants quasi- unanimes.

Le décalage entre les pratiques italiennes et françaises est très important et visiblement Luc Ferry l’a mal encaissé, lui qui affirme encore vouloir augmenter le nombre d’aides- éducateurs devant prendre en charge des élèves handicapés tout en oubliant de préciser que les postes remplaçant les emplois- jeunes sont à mi- temps. Dès la fin de son discours, il s’est également empressé de quitter l’assistance…

Une assistance que son collègue en charge des affaires sociales, du travail et de la solidarité, François Fillon, n’a pas daigné honorer de sa présence: officiellement, il est allé soutenir le Premier Ministre qui présentait au Conseil Economique et Social son plan d’action concernant les retraites. En fait, cette présentation a eu lieu l’après- midi à 16 heures, le ministre avait donc largement le temps de parler aux personnes handicapées puis de rentrer à Paris. Mais François Fillon avait- il quelque chose à leur dire? On peut en douter. Tout d’abord parce que lorsque nous lui avons demandé quel était son programme de travail à l’occasion de l’AEPH, il nous a prié de nous adresser au secrétariat d’Etat aux personnes handicapées (lire Du coté des Ministères).

En second lieu, l’indigence du discours de Nicole Ameline, ministre déléguée auprès de François Fillon et chargée de la parité et de l’égalité professionnelle, a confirmé ce désintérêt: elle a évoqué pêle- mêle l’emploi et la cause des femmes handicapées sans formuler la moindre proposition, se cantonnant à esquisser de vagues déclarations d’intentions. Parsemées parfois de propos maladroits, comme lorsqu’elle désigne les personnes handicapées comme des « victimes du handicap ». Elle aussi, sitôt terminé son discours préliminaire à « sa » table ronde, a quitté la salle sans écouter ce que les participants avaient à dire sur l’emploi et leurs expériences en la matière.

Nettement plus respectueuse fut l’attitude de Gilles de Robien, ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il a su écouter les participants, notamment le témoignage poignant de Gisèle Caumont, qui s’est exilée en Suède pour trouver des conditions correctes d’aides à la vie à domicile (lire ce portrait) et celui de Lahanissa Madi, qui expliquait comment Villeneuve d’Ascq (banlieue de Lille) était devenue une ville modèle de l’intégration. Même si le ministre n’a pas annoncé de mesures précises, il a montré un intérêt réel, un respect évident, une disponibilité d’écoute. Avec cette parole forte : « la patrie des Droits de l’Homme ne respecte pas les personnes handicapées ».

Une parole que n’a pas reprise à son compte Marie-Thérèse Boisseau, en conclusion de ce colloque. A ses yeux, les personnes handicapées vivent « des aventures extraordinaires de courage et de générosité » ! Jean- Luc Simon, coordinateur des manifestations de l’AEPH en France, lui avait adressé un salut prémonitoire quelques minutes plus tôt en déclarant : « on considère que les personnes handicapées qui vivent de manière autonome sont des héros alors soyez des héros avec nous » ! On ne pouvait mieux conclure ce colloque inutile…

Laurent Lejard, février 2003.

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