Devenu tétraplégique complet en 1997 par trop plein d’énergie, si on peut dire, Olivier Bron a conservé sa droiture, son éthique, des valeurs qu’il a voulu transmettre à ses enfants. Avec le soutien de son épouse Caroline, il a construit une relation père-fils avec des enfants encore petits, installé des activités communes, lui la tête, eux les mains pour exister ensemble, en famille soudée, unie. Jusqu’à ce que la dégradation de son état de santé physique et mental le conduise à arrêter volontairement de vivre en organisant sa mort comme la loi le permet depuis 2005. Cette riche histoire familiale, Caroline, Cédric et Sébastien ont décidé de la faire partager à tous. Les deux premiers précisent ce qui les a conduit à écrire.

Question : Pourquoi avoir voulu publier ce témoignage de vie ?

Caroline Bron : Olivier nous a laissé des écrits, et j’avais aussi beaucoup écrit. Malgré la rencontre d’un biographe local, il y a deux ans, je n’avais pas trop envie d’en parler mais Cédric m’a dit au même moment « pourquoi on ne raconterait pas cette histoire ? » C’est ce biographe, Oliver Duron, qui a coordonné l’écriture, on s’est bien entendus. Il a fait un premier jet que j’ai repris pour qu’il soit en harmonie, Cédric aussi. L’accident d’Olivier, c’est à la fois une catastrophe et le départ d’une nouvelle vie. Mon égo a explosé à cet instant. Le bonheur est un état intérieur, un phare pour retrouver du sens, et les enfants avaient le droit de vivre. L’aggravation de l’état d’Olivier placé sous respirateur en permanence, subissant des douleurs neurologiques permanentes, ses directives anticipées demandant « je ne veux pas partir à petits bouts » à cause de dégradations locomotrices, urinaires. Il ne voulait pas être réopéré. Et dans son histoire personnelle, il y a le non-dit lors de la mort de son père. Olivier, lui, a tout dit à ses enfants, il voulait assumer la responsabilité de son départ.

Cédric Bron : Du point de vue de mon histoire, le départ de mon père coupait la conversation et les gens n’osaient pas poursuivre. On a peur de parler des personnes décédées, ça s’arrête là, et les gens plaignent directement. Ce n’est pas l’image que je voulais donner. En face, il y a le malaise et le non-dit de l’interlocuteur. Alors qu’on a choisi de rendre le départ d’Olivier le plus beau possible. Je n’ai pas envie de dire que ça a été difficile en soi mais on voulait restituer un témoignage suffisamment qualitatif. Le deuil avait été fait, comment on partage le souvenir d’Olivier au-delà ?

Caroline Bron : Il y avait aussi ce message sur le choix de sa fin de vie. Avec une soignante, on parlait éthique. Olivier avait toujours dit qu’on ne lui avait pas donné le choix de la réanimation ou pas après l’accident, et la société refuse de donner le droit du choix de vie. Sortir du tabou de la mort permet de profiter de la vie. Au départ du livre, j’ai vu une aventure familiale, un laboratoire extraordinaire avec mes deux fils devenus adultes, dans un espace d’écoute que je n’aurais jamais eu dans un autre endroit. C’est une transmission de valeurs, tout ce qu’on ne dit pas peut s’engrammer et peser sur sa vie, parce qu’on porte des histoires familiales qui ne nous appartiennent pas. L’obsession d’Olivier était de mettre un terme à une lignée trop brève. Il a demandé un arrêt de soins parce qu’il était sous assistance respiratoire, ce n’est pas un suicide assisté mais un refus de médication. Et il avait rédigé ses directives anticipées de fin de vie dès 2006. Pour son départ, il y avait 14 personnes à la maison…

Question : Depuis la publication de votre témoignage, qu’est-ce qu’expriment les lecteurs ?

Caroline Bron : 
Les propos de lecteurs sur le site du livre sont très touchants, ils montrent que ce livre atteint les gens, qu’ils y trouvent des ressources pour gérer leur propre vie, en sortent transformés. Cela renvoie également à la vie en Mayenne : l’accident d’Olivier a traumatisé tout un canton. Ce livre a permis aux personnes qui l’ont connu de remettre des mots sur ce qu’ils avaient enfoui pendant 25 ans.

Cédric Bron : Ce qui me marque, c’est que ce récit de résilience est perçu par les lecteurs, qui nous remercient, « j’ai appris ». Voilà ce qu’on a vécu, chacun peut piocher pour la leur. C’est ce qui motive à transmettre le message.

Caroline Bron : Les gens ne peuvent pas lâcher ce livre, c’est un message qui aide les personnes à relativiser leurs propres difficultés.

Propos recueillis  par Laurent Lejard, mars 2020.

Olivier, de l’épreuve à l’envol, par Caroline, Cédric et Sébastien Bron, 24€ auprès des auteurs.

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