« Trois adolescents ont quitté en juin dernier l’Institut Médico-Educatif Henri Wallon de Stains sans solution de placement dans un IMPRO ou un autre établissement adapté. D’autres vont quitter l’établissement en cours d’année, la veille de leurs 17 ans. En tout, une dizaine de jeunes de cet IME, sur la cinquantaine qu’il reçoit, vont se retrouver sans solution. » Ouarda Loxa, du collectif de parents d’enfants handicapés de Seine-Saint-Denis, dresse un constat alarmant de la situation des jeunes handicapés dans un département qui compte le plus de jeunes vivant dans la pauvreté (34% selon l’étude de l’IINSEE publiée en 2015). Faute de solutions proposées par les pouvoirs publics, le collectif avait lancé en juin 2015 une campagne d’information de la population au sujet des manques de places en établissements spécialisés pour que les adolescents poursuivent une éducation adaptée, apprennent un métier, soient accueillis dans une structure pouvant leur assurer une vie digne.

Depuis, rien n’a vraiment bougé. Sollicitée en mars 2015, puis en juin et septembre, l’Agence Régionale de Santé (ARS) n’a apporté aucune réponse ni voulu recevoir le collectif. Pas davantage de réponse du Président de la République, mais quand même un rendez-vous promis pour le 12 novembre au cabinet de la secrétaire d’État chargé des personnes handicapées, Ségolène Neuville, que le collectif prépare activement.

« À la rentrée de septembre, poursuit Ouarda Loxa, on a rencontré l’Association des établissements médico-sociaux de Seine-Saint-Denis (Adems 93), qui regroupe des directeurs d’IME, IMPRO et SESSAD. On a reçu un excellent accueil, on leur a demandé de relayer nos besoins auprès de leurs organisations. On a rencontré le président du Conseil Départemental, Stéphane Troussel, et sa vice-présidente chargée du handicap, Magalie Thibault, qui nous a communiqué des informations concernant les adultes handicapés. Elle ne disposait pas d’informations sur les enfants et les jeunes en attente de solution. La MDPH 93 doit prochainement nous communiquer ces chiffres. »

Les derniers connus remontent à 2009 : à l’époque, 811 jeunes étaient en attente d’orientation, dont 179 au domicile parental et sans aucune prise en charge, « soit un nombre égal à plus de deux années d’admissions en établissement », déplorait alors l’APAJH 93 dans une note de synthèse.

Selon le collectif, les structures spécialisées en Seine-Saint-Denis ont chacune sur liste d’attente de 20 à 100 enfants ou adolescents. Sur l’ensemble des adultes handicapés Séquano-Dionysiens placés en établissements spécialisés, 10 % le sont en Belgique, et 55 % dans des départements français autres que la Seine-Saint-Denis. Concernant ceux qui figurent sur liste d’attente, les données varient fortement : 920 adultes handicapés selon le chiffre communiqué par le Conseil Départemental au collectif, 3.920 communiqués selon Le Parisien du 3 juillet 2015, 2.900 pour l’ADEMS 93. « Cette situation découle de celle qui est faite aux enfants et aux adolescents, déplore Ouarda Loxa. La réponse c’est toujours ‘manque de place, manque de place’. Alors que plutôt l’enfant est pris en charge, meilleures sont ses chances de surmonter son handicap. »

Bien que le 9-3 soit régulièrement décrié et qu’une grande partie de sa population vive en grande difficulté sociale, il est loin d’être le seul département confronté aux carences en places d’établissements pour jeunes handicapés. « Le handicap, ce n’est pas d’aujourd’hui que ça n’intéresse pas, c’est un phénomène de société, conclut Ouarda Loxa. Que les gens habitent au nord ou au sud, le problème est le même, le manque de place. Il n’est pas spécifique à la Seine-Saint-Denis, c’est un problème de niveau national. »


Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2015.

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