Question : Dans votre rapport, vous abordez le harcèlement dans et hors de l’école. Quel part le handicap prend-il dans ce phénomène ?

Geneviève Avenard : 
Nous n’avons pas de saisine concernant des enfants handicapés. Je ne suis donc pas mesure de répondre à votre question très précisément. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas.

Question : 
Vous évoquez une forte augmentation du nombre d’enfants étrangers handicapés adoptés, alors que les enfants français handicapés sont fréquemment déclarés inadoptables. Comment expliquez-vous ces phénomènes, et comment l’Etat peut-il y remédier ?

Geneviève Avenard :
 Ce que nous avons relevé, c’est quand même un paradoxe extraordinaire. Cela soulève la problématique plus globale de l’adoption aujourd’hui : quels entrants peuvent être concernés, comment on accompagne et on soutient les familles. C’est une question qui ne nous semble pas suffisamment traitée. La proposition de loi sur la protection de l’enfance qui est en cours d’examen au Parlement aborde un petit peu l’adoption, mais en lien avec des situations de délaissement parental, elle n’est pas allée jusqu’au bout de ce que nous appelons de nos voeux, à savoir une appréhension globale de la question de l’adoption, une réforme en profondeur. Nous avons reçu des saisines concernant des enfants dits « à particularité », c’est ainsi que sont dénommés les enfants handicapés dans le cadre de l’adoption. De toute façon, qu’ils soient adoptés ou pas, ces enfants ont les mêmes difficultés que celles qu’on peut rencontrer par ailleurs puisque nous sommes fréquemment saisis pour le manque de places en établissements adaptés aux besoins des enfants handicapés.

Question : 
Aux difficultés d’accès aux centres de loisirs se sont ajoutées, depuis la réforme des rythmes scolaires, celles des activités périscolaires. Le Défenseur des Droits a publié plusieurs recommandations sur ces discriminations, que le Gouvernement n’a pas mises en oeuvre. Quelle action vous reste-t-il, alors que votre institution n’est ni entendue ni même respectée par l’Etat ?

Geneviève Avenard : On ne peut pas dire ça comme ça, je n’ai pas ce sentiment. Si c’était un problème simple, nos recommandations auraient été entendues. C’est un problème qui est complexe, puisque plusieurs intervenants sont concernés, entre les services de l’État, l’Education nationale, les conseils départementaux, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées, les communes. Tout cela crée quelque chose de compliqué, d’ailleurs je sors d’une réunion animée par le Défenseur des droits avec les associations représentant les élus, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, la Caisse Nationale d’Allocations Familiales, pour faire le point sur cette question qui nous mobilise depuis longtemps. L’appel à témoignages que nous avions lancé en 2013 avait confirmé les problèmes rencontrés par les enfants handicapés pour accéder aux activités périscolaires: sur 1.146 témoignages spontanés, 65 % des enfants n’avaient pas accès à ces activités. Notre rôle est d’aller regarder concrètement là où il y a des verrous, où il faut agir. On a constaté que l’on partait à la base d’une évaluation des besoins d’accompagnement des enfants handicapés complètement disparate selon les départements: il n’y a pas de positions qui soient partagées par les MDPH. Ces divergences de pratique trouvent leur origine dans l’interprétation plus ou moins stricte des textes existants. La conclusion de la réunion de tout à l’heure était de dire qu’il faut que l’on se revoie avec la CNSA, l’Assemblée des Départements de France, autour d’une interprétation partagée de ces textes pour que les MDPH procèdent à l’évaluation des besoins des enfants qu’ils soient à l’école, en périscolaire, à la cantine, tout cela fait partie de leur inclusion dans la société.

Question : Si le nombre d’élèves handicapés scolarisés augmente, il n’existe pas d’indicateurs sur le temps effectif de scolarisation ni sur les résultats et diplômes obtenus. Quel est votre regard sur l’évolution de la scolarisation : une éducation potentiellement efficace ou une forme de garderie ?

Geneviève Avenard : 
Comme vous le dites, il n’existe pas d’étude ou d’évaluation qualitative. Souvent, ce qui est mis en avant c’est que les enfants soient dans ce lieu de socialisation qu’est l’école. Nous sommes saisis régulièrement, fréquemment, nous sommes trop saisis d’ailleurs parce que cela veut dire qu’il y a beaucoup de situations dans lesquelles cela ne se passe pas bien, parce que l’accompagnement humain à l’école n’est pas suffisant ou pas adapté. Il peut y avoir des temps partiels accordés qui ne correspondent pas à la demande des parents, il y a un vrai problème de moyens humains donc de financement évidemment, mais aussi d’organisation au regard de l’intérêt de l’enfant. C’est pour cela que l’évaluation des besoins fondamentaux de chaque enfant est centrale.

Question : 
La présence au foyer d’un enfant lourdement handicapé génère des dépenses spécifiques importantes que les prestations actuelles ne compensent que très peu, ce qui appauvrit davantage les familles pauvres. Comment en limiter les conséquences pour les enfants de ces familles ?

Geneviève Avenard : 
Nous n’avons pas sur ce sujet de saisine directe, mais il est ressorti très clairement dans l’appel à témoignages de 2013 que 62 % des parents devaient renoncer à une activité professionnelle et donc à un revenu pour faire face à cette rupture de prise en charge. Autre problème, les surcoûts liés au handicap. Par exemple, un garçon scolarisé qui participe à un voyage scolaire lors duquel l’auxiliaire de vie scolaire a pu être mis à disposition pendant deux jours et pour les trois autres jours, ce sont les parents qui ont dû rémunérer une personne de confiance et ses trajets aller-retour. On peut dire que le voyage a pesé plus lourdement sur les finances de la famille; il y a là une inégalité de traitement de fait.

Question : 
Tout cela semble montrer que les droits des enfants handicapés sont davantage handicapés que ceux des enfants dits valides…

Geneviève Avenard : 
Oui. C’est vrai, ils sont plus vulnérables et malheureusement ils sont moins protégés, leurs droits sont moins respectés. On a vraiment de gros progrès à faire dans notre pays.


Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2015.

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