Les dix ans de la loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n’ont été célébrés qu’a minima par le Gouvernement : de tous les ministres, le Premier compris, celle des Affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, et sa secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées et à l’exclusion, Ségolène Neuville, sont les seules à avoir inscrit l’événement sur leur agenda sur le thème de la… santé ! Ségolène est venue dans la voiture officielle de Marisol pour aller visiter la consultation pour les futurs parents handicapés créée en 2006 à l’Institut Mutualiste Montsouris (Paris 14e) par la sage-femme handicapée motrice Béatrice Idiard-Chamois. Une visite somme toute normale : quasiment toutes les ministres du Handicap sont venues visiter une consultation qui demeure unique en France et n’existe que par la volonté d’un établissement… et sans financement des surcoûts spécifiques par l’Etat et son Agence Régionale de Santé qui a rejeté toutes les demandes à cet égard ! En fin de visite, Marisol Touraine a tenu à expliquer que sa future loi Santé comporterait des amendements qu’étudie actuellement Ségolène Neuville afin d’organiser un réseau de soins adapté aux personnes handicapées. Les deux ministres en ont profité pour affirmer que la Prestation de Compensation de Handicap couvrait l’handiparentalité, mais avec des disparités territoriales, ce qu’une évaluation nationale de la PCH devrait régler dans les mois qui viennent. Problème : à l’exception de celui d’Ille-et-Vilaine, aucun Conseil Général ne finance l’handiparentalité par la PCH, ce que les ministres ne savent visiblement pas…

Question : Nous sommes ici dans une maternité qui prend en charge de manière adaptée des femmes handicapées, mais après la maternité, les mamans et les papas se retrouvent sans prise en charge d’aides humaines pour le retour au domicile et l’éducation du petit enfant. Cette aide à l’handiparentalité avait été annoncée en 2009, elle n’est toujours pas mise en place : que comptez-vous faire ?

Marisol Touraine :
 Tout d’abord, je veux saluer l’Institut Montsouris dans lequel nous sommes, saluer sa direction parce d’abord c’est un établissement de référence, un établissement prestigieux, et nous avons souhaité avec Ségolène Neuville venir ici parce qu’il y a une consultation particulière en direction des femmes porteuses de différents handicaps et qui sont prises en charge pour leur suivi gynécologique ou l’accouchement. Et donc nous voulons saluer cette innovation, l’engagement de l’équipe, l’engagement de l’établissement qui permet de répondre à une demande forte et je me réjouis de voir qu’au-delà de l’Institut Montsouris il y a d’autres établissements qui ont déjà engagé des consultations, pas nécessairement en gynécologie, mais des consultations dédiées aux personnes porteuses de handicap dans différents domaines. La loi de santé permettra d’ailleurs d’aller au-delà et d’instaurer véritablement la prise en charge des personnes en situation de handicap pour ce qui est de leur santé, dans la durée, tout au long de leur parcours. Des amendements gouvernementaux auxquels Ségolène Neuville travaille tout particulièrement vont être présentés, et l’une de nos préoccupations est précisément de faire en sorte que les personnes porteuses de handicaps puissent être prises en charge dans les meilleures conditions possibles pour ce qui est de leur santé.

Question : Et pour l’handiparentalité ?

Ségolène Neuville : Très clairement, il y a la Prestation de Compensation du Handicap qui permet à toutes les personnes qui ont un handicap et qui vivent à domicile d’avoir les aides nécessaires à leur vie courante.

Question : Elle n’apporte pas d’aide aux enfants dont les parents handicapés ne peuvent pas s’occuper. Les MDPH ne veulent pas.

Ségolène Neuville : C’est une question d’évaluation des équipes pluridisciplinaires qui sont dans les maisons départementales du handicap [sic]. Je veux d’ailleurs souligner que nous sommes en train de lancer un chantier sur la Prestation de Compensation du Handicap parce que la PCH, c’est quoi ? C’est 1,3 milliards pour 160.000 personnes et pour l’instant il n’y a jamais eu d’évaluation depuis 10 ans. Il y a des inégalités selon les territoires, comme vous êtes en train de le souligner, donc il est vraiment très important de pouvoir évaluer la réalité des choses et peut-être qu’effectivement cette évaluation va montrer qu’il y a des soucis pour les enfants de personnes en situation de handicap, et d’aboutir à finalement une prestation qui soit plus égalitaire suivant les territoires.

Question : Pas dans l’immédiat, mais alors plus tard ?

Ségolène Neuville : Non, c’est dans l’immédiat; ce chantier, il est lancé.


Des parents consternés.

Ces propos sidèrent Marie-Antoinette Vicaire-Bachène, maman d’un petit enfant: « Ça me fait sortir de mes gonds! Alix fêtera ses cinq ans en août prochain et à aucun moment il nous a été proposé une quelconque aide à l’handiparentalité dans le cadre de la PCH. Mesdames Neuville et Touraine vont avoir de quoi faire avec ce chantier! » La MDPH du Val d’Oise a en effet refusé d’accorder à cette maman paralysée des heures d’aide humaine pour s’occuper de son fils, heures qui ont été accordées… au papa valide! Et le président de la CDAPH avait même proposé de placer la mère dans un foyer et le fils dans une famille d’accueil !

Présidente de l’association Handiparentalité, Florence Méjécase est atterrée : « Les ministres ont essayé d’échapper à vos questions ! C’est tellement flagrant que c’en est ridicule, elle ne connaissent absolument pas le dossier ! Alors que Béatrice Idiart-Chamois a fait remonter le sujet, de même que des associations dont Handiparentalité. C’est une déception parce qu’on travaille sur ce sujet, alors que les ministres ne l’ont pas compris, pas étudié, on est très loin d’une solution. Par rapport aux territoires, cela donne l’impression de rebondir pour les rendre responsables. C’est malhonnête pour les ministres de leur rejeter la faute alors qu’elles ne connaissent pas le dossier. Les territoires attendent des textes qui ne viennent pas, alors que les ministres les rendent responsables de la situation. » Actuellement, le seul département qui paye des heures d’aides humaines est l’Ille-et-Vilaine, grâce à l’action de parents, cinq heures par jour pour les enfants de moins de 3 ans, et deux heures quotidiennes jusqu’à 7 ans. « Ce que des parents handicapés obtiennent parfois, poursuit Florence Méjécase, ce sont des heures de technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF) payées par la Protection Maternelle et Infantile et la Caisse d’Allocations Familiales comme une prestation extra-légale. Handiparentalité fait régulièrement remonter l’absence d’aide aux parents handicapés, par exemple lors de notre dernière table-ronde à Bordeaux, en janvier dernier. Nous avons développé un plaidoyer, nous sommes entendus dans le département, mais pour ce qui est des ministres… »

Dommage, donc, que celles qui sont chargées des Personnes handicapées ne leur prêtent pas une oreille plus attentive, cela leur éviterait peut-être d’envoyer dans une impasse les personnes dont elles doivent s’occuper…

Laurent Lejard, février 2015.

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