Florence Méjécase a considéré que la maladie des os de verre avec laquelle elle vivait depuis 25 ans ne l’empêcherait pas d’avoir un enfant, un désir réfléchi et raisonné que des milliers de femmes ont assumé comme elles le pouvaient. Mais ce qui a tout changé pour Florence, c’est qu’elle a mené sa grossesse à terme devant les caméras d’une équipe de télévision, dans le cadre d’un documentaire diffusé en 2009 sur France 3, « Maternité, le combat des femmes handicapées ». À la suite de sa diffusion, Florence a reçu des centaines de témoignages et de réactions qui l’ont incité à agir. « J’ai pris le temps de la réflexion, explique-t-elle. Un an pour créer l’association Handiparentalité. J’avais constaté que d’autres associations avaient existé, sans perdurer. Et qu’il n’existait rien en dehors de Paris pour conseiller et soutenir le projet de maternité d’une femme vivant avec un handicap. » Durant la première année d’activité de l’association, Florence a réussi à rencontrer un conseiller du Gouvernement, pour évoquer la création d’une Prestation de Compensation du Handicap spécifiquement destinée aux parents et aux couples, mais sans autre résultat que la vague promesse d’une prise en compte lors d’une réforme de la dépendance qui a finalement avorté…

Dans le même temps, en 2010, alors que la concertation sur le premier projet de création d’un cinquième risque dépendance de Sécurité Sociale battait son plein, la Caisse Nationale d’Allocations Familiales décidait de supprimer l’aide à l’handiparentalité qu’elle accordait au même titre qu’aux parents en situation sociale difficile. « Le handicap n’est plus un motif d’intervention de la Protection Maternelle et Infantile, déplore Florence. Les travailleuses sociales et familiales aident les parents en difficulté durant les cinq premiers mois de l’enfant. Bien sûr, dans certains départements, on peut contourner ce rejet pour obtenir cette aide, mais souvent il y a des refus. » Cela ne représente pourtant que quelques heures de soutien par semaine. « Les Caisses d’Allocations Familiales aident les parents en difficulté sociale, poursuit Florence, mais pas ceux qui sont handicapés. Cette situation est déplorée par les professionnels de santé et les Maisons Départementales des Personnes Handicapées. Rien n’est prévu, alors c’est de la débrouille, du détournement de dispositifs face aux besoins des mères et des pères. »

Heureusement qu’en pratique, quelques Conseils Généraux tels ceux d’Ille-et-Vilaine ou de Gironde acceptent de fournir une aide humaine aux parents handicapés sous la forme d’une PCH exceptionnelle, employant une possibilité ouverte par la législation pour couvrir des besoins très particuliers. Mais en Île-de-France, par exemple, elle relève de très grosses difficultés. Un autre problème vient gêner le désir d’enfant : l’impact sur les allocations du parent handicapé qui baissent et réduisent les ressources du couple lorsque celui-ci se déclare officiellement. « C’est la personne qui travaille qui assure le soutien à la personne handicapée, transformant la relation affective en dépendance financière, » déplore Florence. Et d’ajouter : « La bienveillance n’est pas toujours là, notamment chez les professionnels de santé. On entend encore ‘les gens comme vous ne font pas d’enfants’, ou proposer l’abandon de l’enfant après sa naissance ! Et il faut affronter l’inaccessibilité de cabinets de médecins gynécologues, l’absence de formation de la future maman à s’occuper de son bébé en fonction de ses aptitudes. »

Ainsi en va-t-il notamment des tables à langer, toujours en position haute nécessitant d’être debout. L’association Handiparentalité travaille avec un industriel suédois à la création d’une table à langer universelle, propose une rubrique trucs et astuces pour son site web et de nombreuses ressources informatives et documentaires (puériculthèque, bibliothèque, magazine, etc).

Côté positif, Florence constate qu’il y a de plus en plus de parents handicapés qui ont un « projet enfant » réfléchi, bien anticipé, distinct du simple désir de grossesse, et que des professionnels de santé s’intéressent et se forment à mieux accueillir et traiter une future maman handicapée. « Actuellement, précise Florence, Handiparentalité mène un important travail de sensibilisation sur la vie de couple, sexuelle, familiale, sur les populations rurales. Nous séparons l’aspect vie affective et sexuelle de la parentalité, ce sont des sujets différents traités dans des groupes de parole distincts. Nous réalisons des actions en direction du public, parce qu’on est contraint d’envoyer nos membres vers des professionnels sensibilisés, formés dans les régions. Il y a encore besoin d’une prise de conscience de la personne handicapée en tant que personne qui a une vie. Les parents handicapés s’occupent très bien de leurs enfants, malgré le manque d’accessibilité, l’absence de soutien et de suivi qui aggrave leurs difficultés quotidiennes. Par exemple, des mamans en fauteuil roulant qui ne peuvent entrer dans une école maternelle et laissent leur enfant à la porte, c’est un déchirement qui leur renvoie leur handicap. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, novembre 2012.

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