« Je n’ai pas de commentaire à faire sur les Maisons Départementales des Personnes Handicapées […] Je n’ai pas de commentaire à faire sur la loi Hôpital, patients, santé, territoires […] Je n’ai pas de commentaire à faire sur les associations ». Telles sont les réponses en forme de leitmotiv de l’adjointe du Défenseur des Droits, chargée les discriminations, Maryvonne Lyazid, quand on l’interroge sur sa rencontre avec les parents du jeune Ferdinand, multihandicapé par un syndrome CHARGE (surdité totale, problèmes cardiaques, hormonaux, visuels). Ces parents, Francesca et Jean-Benoît, avaient écrit au Défenseur des Droits après avoir trouvé porte close à la MDPH : « Nous avons rencontré un représentant du Défenseur des Droits, suite à une demande de rendez-vous à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Paris pour être conseillés sur une orientation pour Ferdinand. » En effet, la MDPH a refusé de recevoir les parents, arguant que ce n’était pas son rôle. « On a écrit aux candidats socialistes lors des Primaires, à une trentaine de députés, au Défenseur des Droits, ce dernier nous a proposé une audience et nous avons été reçus par l’adjointe chargée les discriminations, Maryvonne Lyazid. On lui a raconté le parcours de ces deux dernières années, le passage de Ferdinand dans le milieu adulte. On est tombés des nues en entendant son discours, et on est ressortis avec le sentiment que nous n’avions aucun droit, ni d’interlocuteur. Nous avons été renvoyés à notre responsabilité de parents assistés, en nous disant que naguère les parents étaient agissants ! »

Francesca et Jean-Benoît mènent pourtant une vie active et épanouie, qu’ils n’entendent pas interrompre pour devenir « compensateurs à temps-plein » des carences de l’État en matière de prise en charge de leur fils handicapé. D’autant que la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPTS) a retiré aux familles toute initiative : les nouvelles Agences Régionales de Santé (ARS) ont tout pouvoir pour décider du financement des structures médico-sociales, de leur fusion, de leur fermeture, et les créations passent désormais par des appels à projets en fonction des besoins que chaque ARS sélectionne souverainement.

« On a suggéré à Madame Lyazid que, dans les MDPH, il y ait quelqu’un qui conseille, oriente les familles, les personnes, explique Francesca. L’entretien s’est conclu en nous parlant du succès du film ‘Intouchables‘ et en nous orientant vers l’association Simon de Cyrène, qui reçoit une partie des bénéfices d’exploitation du film ! D’où notre colère exprimée sur le Web et déjà lue par plus de 100 000 personnes. Pour dire que l’État n’a rien à répondre. »

Maryvonne Lyazid ne l’a pas compris ainsi : « Le but de cet entretien était que ces parents nous apportent leur témoignage, qu’on écoute leur détresse, pour apprécier les limites des politiques publiques, affiner notre réflexion autour des personnes handicapées. Nous avons beaucoup de saisines de personnes handicapées. J’ai simplement évoqué les 30 dernières années et la prise en charge des personnes handicapées. » Maryvonne Lyazid confirme avoir conseillé aux parents de Ferdinand de s’adresser à l’association Simon de Cyrène, organisation d’obédience catholique destinataire d’un pourcentage des bénéfices du film Intouchables qui a passé les 12 millions de spectateurs… Mais est-ce bien le rôle d’un représentant de l’Etat d’orienter, dans une République laïque, des parents désemparés vers une association confessionnelle ? Retour du leitmotiv : « Je n’ai pas de commentaire à faire sur l’association Simon de Cyrène, dont la réponse est intéressante », affirme Maryvonne Lyazid, qui n’a pas informé les parents du caractère confessionnel de l’organisation vers laquelle elle les dirigeait. Au risque de heurter leurs convictions personnelles.

« Le handicap est une chose, la surdité avec polyhandicap en est une autre, estime pour sa part Francesca. J’ai le sentiment que c’est une question de moyens. L’apprentissage de la Langue des Signes Française suppose des moyens. Or, les professeurs n’ont pas les moyens d’apprendre la LSF. Ferdinand se trouve dans une situation où il risque d’être placé dans un centre où il perdra son mode de communication, la LSF. Il faut ‘gérer’ Ferdinand, qui grandit, évolue, a des besoins. Il change, et cela ne va pas s’arrêter. S’il ne va pas dans un établissement adapté, il retournera dans son isolement. Il a été orienté vers des foyers de vie, mais la liste d’attente est très longue. On a également visité un centre d’accueil de jour, qui n’emploie, faute de moyens, qu’une seule éducatrice et des stagiaires pour une trentaine de jeunes handicapés, ouvert seulement entre 10 heures et 16 heures en semaine ! Ferdinand n’est pas autonome, il n’a pas le sens du danger, ne se fait pas à manger, mais il sait profiter de bien d’autres choses. Notre vie avec lui n’est pas triste : il est vivant, créatif. Mais il y a une absence d’humanité dans tout ce qui se passe autour de lui, alors qu’il y a à gagner à découvrir un être comme lui. Il m’a appris beaucoup sur l’humanité… »


Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2011.

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