L’Association des Parents et Amis des Enfants de Marie Abadie (Apaema) est une organisation basée à Paris et qui oeuvre dans les domaines du handicap mental et du polyhandicap. Les parents qui la composent sont régulièrement confrontés à une difficulté lorsqu’ils veulent se rendre dans un lieu de spectacle : comment leur enfant sera- t-il accueilli, posera- t-il des problèmes liés au décalage de son comportement avec ce qui est communément admis ? « Notre idée est née d’une frustration ancienne et collective, explique Catherine Morhange, vice- présidente de l’Apaema. Souvent, les enfants sont impatients, ils bougent, crient parce qu’ils sont contents ou pas. Ce qui amène des réactions désagréables des spectateurs. Souvent, les parents abandonnent. Nos enfants souffrent déjà de leurs limites, il n’est pas normal qu’il y en ait davantage ».

L’Apaema a décidé de proposer, en association avec le cinéma L’Entrepôt (Paris 14e), une séance mensuelle dédiée aux enfants et adolescents handicapés. Tous ceux qui ne peuvent assister à une séance ordinaire sont concernés : enfants handicapés mentaux, autistes, polyhandicapés, hyperactifs, etc. « Les enfants en ont besoin, poursuit Catherine Morhange, pour découvrir de nouvelles circonstances de la vie, même si beaucoup ne restent pas jusqu’à la fin. Nous n’avons pas un objectif de fréquentation; au-dessus de trente places vendues, cela ne coûte rien à l’association. La Mairie du 14e arrondissement est partenaire, elle nous soutiendra financièrement s’il y a moins de spectateurs ». L’Apaema veut inscrire ces séances dans la durée, même si la sélection d’un film n’est pas simple. L’Entrepôt, qui a par ailleurs mis en place des séances spéciales « bébés », diffuse en effet principalement des longs métrages d’Art et Essai, généralement en version originale.

La première séance de Ciné-ma différence s’est donc déroulée le 19 mars avec le dessin animé japonais Le château ambulant, histoire fantastique réalisée par Hayao Miyazaki, en version française. Aucun spectateur n’est parti avant la fin !

Les parents se connaissent pour la plupart, discutent ensemble. La salle n’est qu’au tiers remplie, l’information ne semble pas encore être bien relayée. Durant le film, la majorité des enfants et adolescents suit l’action, visiblement captivés par l’univers magique du dessin animé, une histoire d’amour sur fond de combat entre sorciers et guerre militaire dans un monde baroque. Benoît a trouvé le film très bien, il a aimé les monstres : « Le dragon qui mange le monsieur du château. Je voudrais voir un autre film, c’est intéressant ». Quentin a plutôt aimé les scènes d’amour. La maman de Camille veut revenir pour un autre film, elle apprécie la certitude de pouvoir entrer dans la salle avec sa fille sur fauteuil roulant : « Au cinéma, le son est trop fort, Camille sursaute, je préfère lui acheter des vidéos ». Ici, le son est à un niveau moyen, comme il était d’ailleurs de règle avant la déferlante tonitruante des T.H.X et autres Dolby… Il ne semble pas que les spectateurs aient été dérangés par tel enfant qui avait un peu tendance à se glisser sous les sièges, ou tel adolescent autiste qui se levait parfois, peut- être pour exprimer sa joie. Quelques cris dans la salle, et des parents qui s’occupent calmement de leurs petits, sans qu’une remarque désobligeante les culpabilise. Le respect, enfin !

A la fin de la projection, Catherine Morhange est épatée que tout le monde soit resté jusqu’au bout d’un film de près de deux heures : « L’ambiance était excellente, les enfants patients, ils nous surprennent ! Et on ne passe pas notre temps à les calmer ». Une première séance réussie, qui en appelle d’autres, la prochaine étant programmée le 16 avril pour un film dont le titre sera communiqué une dizaine de jours au préalable sur le site internet Ciné-ma différence.

Laurent Lejard, mars 2005.


Ciné-ma différence. Le samedi à 11 heures, une fois par mois aux environs du 15. Cinéma L’Entrepôt, 7 rue Francis de Préssensé, 75014 Paris. La salle peut accueillir une centaine de spectateurs, dont trois sur fauteuils roulant, le franchissement du seuil nécessitant toutefois une petite aide. Tarif normal.

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