Annoncées en janvier dernier à grand renfort de communication par les ministres en charge de l’éducation nationale, Luc Ferry et Xavier Darcos, les dispositions destinées à améliorer l’intégration scolaire tardent à se mettre en place. Nous avons demandé à une fédération de parents d’élèves, un syndicat d’enseignants et une association militant pour l’intégration scolaire comment ils appréhendaient la rentrée des élèves handicapés.

Des A.V.S retardés.
 Paulette Palau, de la Fédération PEEP (Parents d’élèves de l’enseignement public), s’affirme satisfaite des propositions du ministère concernant les aides- éducateurs destinés aux élèves handicapés : « J’espère que les établissements pourront recruter. En effet, des conseils d’administration d’établissements scolaires ont voté contre le recrutement ». Or, ils sont décisionnaires et les chefs d’établissement sont liés par leur vote. Ce blocage est confirmé par Michèle Olivain, du SNES (Syndicat national des enseignements du second degré) qui n’est pas en mesure de le quantifier : « Des établissements ont voulu faire pression sur le gouvernement en refusant de voter l’emploi d’aides- éducateurs. Cela concerne toutes les académies. Le recrutement pose des problèmes du fait d’un statut moins intéressant que celui des ex- surveillants et des auxiliaires de vie scolaire emplois- jeunes. Les parents d’élèves sont très partagés sur la question ». La situation des collèges pèse aussi sur le contexte, les phénomènes de violence et de comportement des élèves n’arrangeant pas les choses. Certains Recteurs d’académie ont été tentés d’affecter des postes d’A.V.S à d’autres missions, comme la surveillance. Paulette Palau cite notamment la Bretagne et la région Centre. Cela a conduit la Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Marie- Thérèse Boisseau, à intervenir vigoureusement et publiquement, le 26 juin 2003, déclarant : « Il n’est pas pensable que ces 6.000 auxiliaires de vie […] se perdent dans les sables de l’éducation nationale ». Son collègue Luc Ferry lui a témoigné de sa « vigilance quant au déploiement des A.V.S ».

Pourtant, Michèle Olivain estime que la mise en place des nouveaux A.V.S prend du retard : « Leurs conditions d’emploi posent problème. Et les multiples réunions qui se sont tenues au Ministère de l’Education Nationale n’ont pas permis de définir et mettre en oeuvre la formation de ces personnels. La rentrée se fait avec le dispositif antérieur, la promesse d’augmenter le nombre de postes ne peut se réaliser en septembre ». L’association Handéis (Handicap et intégration scolaire) est du même avis. Sa porte- parole, Nadjat Eyraud, considère que les nouveaux A.V.S sont « une blague » : « Pour les étudiants, c’est plus sympathique que travailler chez Mac- Do mais ce n’est pas une profession. Par rapport aux emplois- jeunes, les nouveaux A.V.S sont un recul ».

Une politique floue. Nadjat Eyraud s’inquiète de l’absence de projet concret: « Il n’y a pas de politique appliquée d’intégration, de formation des enseignants (y compris de ceux qui travaillent dans l’enseignement spécialisé), de projet pédagogique, ce qui représente un risque pour les enfants handicapés. En matière d’accueil, chaque école fait ce qu’elle veut ». Cette autonomie de fonctionnement, on la retrouve dans les I.U.F.M (Instituts universitaires de formation des maîtres) qui forment les professeurs des écoles au lycée. « Ils sont maîtres du contenu de leurs enseignements, rappelle Michèle Olivain. La sensibilisation et la formation aux handicaps ne peut leur être imposées par le Ministre, elle doit être négociée pour chaque Institut ».

Dans le primaire, Paulette Palau rappelle que la Fédération PEEP stimule la tenue de conseils d’école ayant pour thème l’intégration scolaire et l’adaptation de l’établissement même s’il n’accueille pas d’enfant handicapé. « Il est nécessaire de parler des handicaps, pour dédramatiser et préparer l’école et les enseignants ».

Une volonté qui, selon Michèle Olivain, ne se retrouve pas dans les collèges et les lycées : « Il n’y a pas de projet pédagogique national ni même local. L’approche de l’intégration scolaire demeure bureaucratique, entre les mains de commissions spécialisées telles les C.D.E.S (Commissions départementales de l’éducation spéciale). Il n’y a pas de lisibilité du dispositif ni d’actions de communication pour faire évoluer les mentalités ».

La formation des enseignants spécialisés demeure une pierre d’achoppement. « Elle est destinée aux enseignants du primaire, poursuit Michèle Olivain. Le SNES demande son extension au second degré (collèges et lycées). Mais pour que des enseignants choisissent cette filière, les postes offerts doivent être plus attractifs. Sinon, le recrutement selon la procédure de la liste complémentaire se poursuivra [candidats non reçus au concours mais admissibles N.D.L.R] ». Ceux que l’on appelle en jargon les « collés- reçus » n’ont souvent d’autre choix, pour intégrer l’Education Nationale, que d’accepter un poste d’enseignant spécialisé auquel ils ne sont pas préparés.

Marie-Thérèse Boisseau, qui effectuait le 2 septembre 2003 sa « rentrée » en visitant une classe d’intégration scolaire en Région Parisienne affirmait : « L’éducation nationale a le devoir d’accueillir les enfants handicapés. Mais seule, l’éducation nationale n’y arrivera pas ». Les faits lui donnent déjà raison.

Laurent Lejard, septembre 2003.

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