Le Défenseur des Droits a publié le jour du lancement de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées une étude sur l’emploi des femmes en situation de handicap. En préambule, les rédacteurs précisent que leur « étude a été menée dans un contexte de carences en matière de connaissance statistique de la situation et des besoins des personnes en situation de handicap, et plus particulièrement un défaut de données genrées. Cela rend difficile l’évaluation de l’effectivité des droits des femmes en situation de handicap. » Une lacune maintes fois relevée, notamment dans l’étude similaire du Conseil de l’Europe publiée en 2003, alors année européenne des personnes handicapées. Cette absence de données constitue d’ailleurs un excellent moyen pour les décideurs politiques de ne pas programmer une politique active de soutien des victimes et de lutte contre des discriminations puisqu’elles sont ainsi difficiles à mettre en évidence. C’est néanmoins la tâche que se sont fixés les rédacteurs, par une approche intersectionnelle qui « suppose que les différents motifs interagissent ensemble, d’une manière telle qu’ils sont inséparables. Autrement dit, les différents motifs de discrimination produisent une nouvelle forme de discrimination qui ne peut se réduire à la somme de ses composantes, intensifiant et amplifiant l’effet discriminatoire. » Ils se sont appuyés sur des auditions d’acteurs concernés par l’emploi des personnes handicapées, des associations, ministères et institutions.

Les rédacteurs relèvent tout d’abord la forte progression des travailleurs handicapés employés dans les entreprises privées assujetties à l’obligation d’emploi de 6%, qui sont passés de 233.200 en 2006 à 386.700 en 2013, et fait un constat similaire dans le secteur public : 176.451 travailleurs handicapés début 2006, 209.909 en 2013. Les femmes handicapées sont plus nombreuses que les hommes à obtenir le baccalauréat ou un diplôme universitaire, 34% contre 27% en 2013, mais moins nombreuses à accéder à l’emploi : 51% travaillaient contre 57% des hommes la même année, l’ensemble représentant 37% des personnes handicapées en emploi alors que les personnes valides étaient 65%. Or, la population des personnes handicapées compte autant de femmes que d’hommes. On regrettera toutefois que les rédacteurs de l’étude française n’aient pas cherché à préciser les stéréotypes de genre, ce que l’étude européenne de 2003 rappelait clairement : « Cette différence, toujours pratiquée avec plus ou moins d’intensité dans nos pays, découle de ce que l’espace extérieur était considéré comme celui de l´homme et l’espace intérieur celui de la femme. A celle-ci revenait de s’occuper de sa maison et de sa famille ; à l’homme, le travail professionnel, la subsistance économique de la famille et l’organisation de la société. » Tout juste évoquent-ils « l’articulation des temps de vie privée et vie professionnelle [touchant] également les femmes en situation de handicap, même si le phénomène doit être tempéré du fait que les femmes handicapées, notamment de naissance, ont plus rarement des enfants. Mais en tant que femmes, elles sont également exposées aux discriminations liées à la seule suspicion d’une potentielle maternité. »

L’étude du Défenseur des Droits relève la moindre intégration des femmes handicapées dans les Etablissements et Services d’Aide par le Travail du fait de la prédominance de métiers considérés comme masculins, et constate le même phénomène dans l’emploi ordinaire. Elles sont également davantage concernées que les hommes handicapés par l’emploi précaire, ou à temps partiel, et une moindre promotion limitant leurs perspectives d’évolution professionnelle, sont nettement moins nombreuses à bénéficier d’une formation longue en Centre de Rééducation Professionnelle ou d’un contrat d’apprentissage, notamment à cause des métiers concernés là encore considérés comme masculins. Mais si le constat est assez sévère, les solutions restent difficiles et complexes : identifier et mieux connaitre la population des personnes handicapées en intégrant, notamment, des données par sexe, « diversifier les représentations des femmes comme des personnes en situation de handicap sur l’ensemble des canaux et supports de communication, rendre visibles les femmes handicapées et promouvoir des modèles de réussite pour faciliter une identification positive des femmes en situation de handicap », renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’éducation, les filières scolaires et universitaires, « développer une approche genrée dans l’accompagnement et l’orientation professionnelle des personnes en situation de handicap » et « dans les différents volets des négociations collectives et plans d’action sur l’emploi des personnes en situation de handicap ». Vaste programme…

Laurent Lejard, décembre 2016.

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