La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé vient d’être promulguée : elle apporte des modifications majeures dans plusieurs domaines (secret médical, accès au dossier, organes disciplinaires des professions médicales et para- médicales, hospitalisation d’office, formation continue…). Mais c’est probablement en matière de responsabilité médicale qu’elle était la plus attendue.

Les droits nouveaux.
 La loi apporte une série d’innovations majeures quant à l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, affections iatrogènes (maladie provoquée par le traitement d’un médecin) et infections nosocomiales (contractées lors d’une hospitalisation) que ce soit en secteur public ou privé. Elle unifie la prescription de l’action en réparation à 10 ans et met fin à une inégalité criante car le patient du secteur privé avait 30 ans pour agir là où le patient d’un hôpital n’avait que 4 ans. La loi oblige tous les professionnels de santé à être assurés, ce qui est la moindre des choses compte tenu des risques. Elle prévoit également que l’établissement sera responsable de tous ses salariés y compris ceux qui disposent d’une indépendance dans l’exercice de l’art médical (médecins, sages- femmes…) et met ainsi un terme à la controverse née entre les différentes chambres de la Cour de cassation. Elle pose comme principe l’obligation pour le professionnel de santé d’informer la victime ou ses ayants droits des circonstances et de la cause des dommages dans un délai de 15 jours.

L’indemnisation proprement dite.
 La loi institue un Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui a vocation à indemniser, au titre de la solidarité nationale, les cas graves (Incapacité Physique Permanente de 25 % et plus) qui se manifestent alors qu’aucune faute médicale ne peut être opposée. Elle crée ensuite des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation dont la vocation est de faciliter le règlement amiable de ces litiges. Présidée par un magistrat, cette commission est composée de représentants des victimes et des usagers ainsi que de représentants des professionnels, des établissements et de l’Office. En pratique la Commission Régionale devra, après avoir organisé une expertise contradictoire, déterminer si il y a faute d’un ou de plusieurs intervenants (et dans ce cas demander aux assureurs de régler amiablement) ou si il y a lieu à mettre en jeu l’indemnisation par l’Office. Elle doit rendre cet avis dans les 6 mois de sa saisine.

Pour autant cette possibilité de conciliation ne supprime pas le système actuel qui consiste à solliciter une expertise par voie de référé puis faire trancher les responsabilités par le Tribunal. Il sera même possible de mener les deux procédures de front. A tout moment de la conciliation le recours au juge reste possible.

Le nouveau système est conçu pour faciliter l’accès des victimes à l’indemnisation et réduire la pression devenue insupportable sur les épaules des professionnels de santé. Pour autant le mécanisme amiable est bien plus complexe que ce qu’il laisse paraître et il n’est pas certain qu’il réduise le volume du contentieux. Les Commissions risquent d’être rapidement noyées sous les requêtes et les délais de réponse pourraient être largement dépassés. Nul doute que l’interprétation de cette loi et celle des décrets d’application à venir fera couler beaucoup d’encre et donnera lieu à un important contentieux.

Cette loi souhaite éviter le recours au juge or, dans un état de droit, c’est le juge qui a le dernier mot. L’avenir dira si la prescription du Docteur Kouchner se révèle efficace ou s’il s’agit… d’un coup de bistouri dans l’eau.

Philippe Carlini, Avocat au barreau, CP Carlini et Associés, mars 2002.

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