1 – Principes régissant les libéralités accordées par des personnes handicapées.

Les dispositions des articles 488 et suivants du Code civil prévoient différents régimes de protection des majeurs atteints d’une altération des facultés personnelles, mentales ou corporelles, seulement si, dans ce dernier cas, elles les empêchent d’exprimer leur volonté. Dans l’impossibilité de pourvoir seuls à leurs intérêts, ils doivent être conseillés, contrôlés ou représentés dans le cadre de l’un des régimes spéciaux de sauvegarde de justice, de tutelle ou de curatelle.

Si, placée sous sauvegarde de justice, la personne conserve l’exercice de ses droits, ses actes peuvent néanmoins être révisés en cas d’excès. Les donations consenties n’échappent pas à ce contrôle exercé, après le décès, par les héritiers.

Une personne ayant besoin d’être représentée de manière continue dans tous les actes de la vie civile doit, quant à elle, être soumise au régime de tutelle ; dans cette hypothèse, tous les actes passés par elle seule sont nuls de plein droit, excepté certains actes courants autorisés après avis médical. En conséquence, les testaments sont impossibles et les donations ne peuvent être consenties, sur autorisation d’un conseil de famille, que par le tuteur au nom de la personne protégée et au profit de ses descendants ou de son conjoint.

Dans les cas de curatelle enfin, c’est à dire lorsque la personne, sans être hors d’état d’agir seule, a besoin d’être conseillée ou contrôlée, le testament est libre, sous réserve de démontrer l’absence de trouble mental au moment de l’acte, et les donations possibles avec l’assistance du curateur, sous peine d’annulation.

En tout état de cause, les héritiers d’une personne handicapée auront la charge, au moment des opérations de succession, de vérifier la validité des libéralités éventuellement accordées par le défunt. Elles devront également déterminer si les comptes de liquidation sont grevés de dettes résultant de la récupération de sommes versées au défunt, en leur temps, en raison de son handicap.

2 – Récupération des aides sociales.

Aujourd’hui, les prestations servies aux handicapés adultes sont essentiellement de deux ordres :
– l’allocation aux adultes handicapés,
– l’allocation personnalisée d’autonomie.

Ceci résulte des dispositions de la loi du 30 juin 1975, d’orientation en faveur des personnes handicapées, désormais codifiées dans le Code de la famille et de l’aide sociale. D’autres aides viennent contribuer à la prise en charge des personnes handicapées, en matière de logement ou de retraite notamment. Or le remboursement de certaines de ces prestations peut être demandé aux héritiers par les institutions qui les ont accordées.

Les aides sociales non récupérables :

L’allocation aux adultes handicapés n’est jamais récupérable. « Les sommes servies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie ne font pas l’objet d’un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire » : cette disposition de l’article L. 232-19 du Code de l’action sociale et des familles, introduite par la récente loi du 20 juillet 2001 concernant notamment l’allocation personnalisée d’autonomie, a mis fin à de nombreuses discussions relatives à la récupération, au moment de leur succession, des aides sociales perçues par les personnes handicapées.

Le législateur de 1992, sur la base des travaux réalisés en 1975, avait instauré une allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Cette allocation, réservée aux personnes dépendantes à plus de 80 %, était destinée à compenser les surcoûts que génère le handicap, dans leur vie quotidienne. Elle permettait aussi de fournir un revenu de compensation aux parents qui font le choix de s’arrêter de travailler, pour s’occuper à plein temps de leur enfant handicapé.

Or, contrairement aux autres prestations d’aides sociales, l’ACTP était récupérable par les départements, en vertu de l’article 132-8 du Code de l’action sociale et des familles. Autrement dit, les conseils généraux étaient bien fondés à récupérer les sommes qu’ils avaient versées, lorsqu’ils estimaient que les bénéficiaires étaient revenus « à meilleure fortune ». C’était notamment le cas lorsque les personnes handicapées héritaient de leurs parents. Cette récupération prenait la forme d’un remboursement demandé aux héritiers, légataires ou donataires, sur les biens composant l’actif net de la succession.

L’ACTP a été remplacée par l’allocation d’autonomie personnalisée dont elle a hérité le dispositif. Toutefois, les dispositions de la loi du 20 juillet 2001 n’entrent en vigueur qu’au 1er janvier 2002 et ne sont pas rétroactives. Il pourrait donc être judicieux de demander au plus tôt l’admission au bénéfice de l’allocation d’autonomie, en substitution de l’ACTP.

L’article 19 de ladite loi prévoit en effet que les personnes admises au bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie qui étaient, avant son entrée en vigueur, titulaires « de la prestation spécifique dépendance, de l’allocation compensatrice pour tierce personne, des prestations servies au titre des dépenses d’aide ménagère à domicile des caisses de retraite » ne peuvent voir leurs droits réduits ou supprimés. Elles bénéficieront, le cas échéant, d’une allocation différentielle qui leur garantira un montant de prestation équivalent à celui antérieurement perçu, ainsi que du maintien des avantages fiscaux et sociaux auxquels elles pouvaient prétendre.

Les aides sociales récupérables :

Pourtant, si l’allocation personnalisée d’autonomie et l’allocation aux adultes handicapés ne sont pas récupérables, il en va autrement des sommes perçues au titre de l’allocation du Fonds national de solidarité, versées aux personnes âgées de plus de 65 ans par les caisses de retraite ou au titre du Revenu minimum d’insertion.

En effet, dans les deux cas, le remboursement des prestations versées s’exerce lorsque l’actif net successoral dépasse la somme de 38.112 euros, et uniquement sur la partie de l’actif qui excède cette somme.

Les frais d’hospitalisation, enfin, peuvent bien entendu être réclamés à l’encontre des personnes tenues d’une obligation alimentaire envers le défunt, conformément aux articles 205 et suivants du Code civil, y compris si elles renoncent à la succession.

Maître Jean Charles Scotti, SCP Carlini et Associés, février 2002.

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