Alexandra Grévin, avocate spécialisée en droit du handicap

Si la législation laisse au bénéficiaire de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) pour aide humaine le libre choix de l’utiliser en employant directement un aidant familial ou en recourant à des prestataires ou mandataires de services à la personne, son application par les Conseils Départementaux ne va pas sans contestations, comme dans cette affaire qui s’est réglée en justice.

Qui est compétent ?

Elle a nécessité une procédure de contestation classique des modalités d’utilisation de la PCH, auprès de la Commission départementale de l’aide sociale (CDAS). Juridiction administrative spécialisée, cette Commission examine les recours introduits à l’encontre de décisions prises par la commission d’admission à l’aide sociale ainsi que celles du préfet ou du président du Conseil départemental. Les champs de compétence des CDAS sont divers. Il pourra s’agir de l’attribution des prestations à l’aide sociale, du versement des prestations sociales, de la récupération du montant des prestations versées sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale. Le recouvrement des sommes indument perçues par des particuliers bénéficiaires ainsi que les demandes relatives à la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire relèvent également des attributions de la Commission départementale de l’aide sociale.

Pour le requérant, accompagné de son Conseil, il s’agissait de démontrer la compétence de la Commission départementale d’aide sociale (CDAS) puisque le Conseil Départemental affirmait que cette juridiction n’était pas compétente pour statuer sur le litige en question. Il était invoqué l’article L245-2 du Code de l’action sociale et des familles. En effet, le quatrième alinéa de cette disposition prévoit: « Les décisions du président du conseil général [devenu départemental NDLR] relatives au versement de la prestation peuvent faire l’objet d’un recours devant les commissions départementales mentionnées à l’article L134-6, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L134-1 à L134-10″.

Ensuite, il s’agissait de démontrer qu’une atteinte avait été portée par le Conseil Départemental au principe de libre choix de l’utilisation de l’aide humaine accordée au titre de la PCH. Le requérant souhaitait bénéficier, pour la totalité de ses heures d’aides humaines d’un service prestataire. Il ne souhaitait plus d’aidant familial. Au support de cette demande a été invoqué l’article L245-12 du code de l’action sociale et des familles. En effet cet article permet à la personne bénéficiaire de la prestation de compensation de choisir librement la façon dont l’aide humaine peut être utilisée (emploi direct, aidant familial, service mandataire, service prestataire).

Une décision confirmant la libre disposition de l’aide humaine.

Le requérant souffre d’une infirmité motrice cérébrale et son taux d’incapacité a été reconnu à plus de 80 %. A la suite de sa demande de PCH, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui a octroyé pour cinq ans un peu moins de 200 heures d’aides humaines par mois, réparties pour environ deux tiers au titre de l’aidant familial et un tiers pour un service prestataire. Cette répartition du nombre d’heures ne convenait pas au requérant. En revanche, le nombre d’heures attribué lui convenait.

Il a donc adressé un recours gracieux, auprès du Président du Conseil Départemental, sollicitant l’utilisation de la totalité des heures d’aides humaines en service prestataire. Aucune réponse n’a été faite au requérant qui n’a eu d’autre choix que de saisir la Commission départementale d’aide sociale.

C’est en l’état que la Commission départementale d’aide sociale a rendu sa décision le 26 mai 2015 après une audience où les deux parties ont pu exprimer leurs arguments. Le président du Conseil Départemental ayant soulevé l’incompétence de cette juridiction en ce que selon lui le contentieux se cristallisait autour de la nature de l’élément aide humaine et non pas sur les modalités de versement de cette dernière, la CDAS devait le dédire de cette analyse. Elle a considéré que le litige portait bien sur les modalités de versement de la prestation de compensation et qu’elle était donc compétente.

Elle reconnaissait également la méconnaissance du président du Conseil Départemental des dispositions de l’article 245-12 du code de l’action sociale et des familles. Selon la Commission départementale d’aide sociale, l’obligation légale de respecter le libre choix du requérant d’employer pour la totalité des heures mensuelles d’aides humaines le service prestataire a été méconnue. Cette juridiction a également condamné le Conseil Départemental à verser au requérant la somme de 3.500 € au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative et a rejeté sa demande au titre du préjudice moral.


Alexandra Grévin, avocate au Barreau de Paris, septembre 2015.

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