Certes, il faut aimer l’eau et le bord de mer, mais une semaine de repos et de soins attentifs de son corps dans un hôtel confortable avec une vue magnifique, on aimerait en vivre souvent ! Derrière l’image idyllique, la réalité est un peu différente. Inventée il y a 120 ans, la thalassothérapie est une technique de soins corporels utilisant exclusivement l’eau de mer et ses produits, visant à assurer une remise en forme et traiter quelques soucis de santé : douleurs articulaires, troubles du sommeil ou de la circulation sanguine, stress et fatigue notamment. La thérapie repose notamment sur des hydromassages en immersion, des douches et bains massants plus ou moins vigoureux, l’application de boues marines ou d’algues, pour citer les techniques les plus répandues. L’aspect thérapeutique a, jusqu’en 1984, été jugé suffisant pour une prise en charge par la Sécurité Sociale; depuis lors, la thalassothérapie est intégralement à la charge du client, et elle a évolué vers une approche bien-être, l’aspect thérapeutique encore évoqué par les établissements étant passé au second plan de la motivation de la plupart des curistes. Par définition, les centres sont installés en zone touristique de bord de mer, ce qui offre aux clients l’opportunité d’agrémenter leur temps libre.

Séjourner dans un hôtel durant une semaine dans le but de prendre soin de son corps procure nécessairement une détente et évacue le stress de la vie quotidienne. Si ce bienfait est avéré, les vertus thérapeutiques sont toutefois limitées, voire illusoires. « L’aspect thérapeutique de la thalasso porte notamment sur la statique du dos, la circulation sanguine, explique Jean-Michel Colleu, chef de service hydrothérapie aux Thermes Marins de Saint-Malo. Une douche sous-marine de qualité apporte beaucoup. Mais il y a des limites à ce que l’on peut faire, en termes de ressources ». Une manière élégante d’évoquer l’évolution de la thalassothérapie vers le spa qui procure un bien-être intense et immédiat… mais pas vraiment durable.

Jacques Courtillé, directeur général d’Hélianthal et président de l’association Thalasso Côte Basque, précise : « La chaîne Accor Thalassa a renoncé à la présence permanente du médecin en 2001 et a été suivie par d’autres établissements qui ont glissé vers le bien-être immédiat, sans fatigue ni contrainte de soins. Or, une cure entraine un moment de fatigue au troisième jour, et procure ses effets après une quinzaine de jours. Il y a une contradiction entre le bienfait immédiat demandé par le curiste et l’impact différé d’une véritable thalassothérapie ».

Cet impact différé n’apparaît guère évident pour Jean-Luc Isambert, médecin-chef du centre de rééducation et réadaptation fonctionnelle en milieu marin Le Normandy, établissement qui loue en fin de journée son plateau technique à la thalasso Prévithal : « La thalassothérapie est une action de prévention santé destinée à des bien-portants actifs, dans une approche hédonique. Elle permet également à la personne handicapée de se réconcilier avec son corps ». Le docteur Isambert propose d’ailleurs à certains de ses patients des soins particuliers en eau de mer qui, s’ils ne sont pas les plus efficients en termes de rééducation fonctionnelle, ont un impact psychologique et mental notable, invoquant ce principe « bien dans sa tête, bien dans son corps ». Il rappelle toutefois que la thalassothérapie se distingue fondamentalement de la rééducation fonctionnelle qui repose, elle, sur un projet de soins avec financement sanitaire par la Sécurité Sociale.

Le service rendu serait-il essentiellement subjectif ? Les effets d’une cure santé ont été évalués en 2008 auprès de 120 clients volontaires de Thalassothérapie Roscoff, dont 16% effectuaient leur première cure : l’intensité des douleurs articulaires évoquées par ce panel était réduite de 24% après le troisième mois suivant la cure, celle des douleurs musculaires tendineuses de 23% et des troubles circulatoires de 41%. 92% de ces clients se disaient plus détendus à la fin de la cure, et ils étaient encore 59% à l’affirmer trois mois plus tard.

Si l’accessibilité est assez généralisée, l’adaptation stricto sensu est encore l’exception. Le curiste devrait disposer, pour des soins agréables, d’un niveau de prestations gommant les conséquences d’un handicap, ce qui n’est actuellement pas le cas, alors même que les personnes âgées ou présentant des problèmes de mobilité constituent une partie non négligeable de la clientèle. Si quelques établissements prêtent des fauteuils roulants standard, aucun ne dispose d’un fauteuil roulant de douche avec lequel le curiste handicapé moteur effectuerait tout le parcours de soins : ce matériel est pourtant indispensable pour respecter les règles d’hygiène sans avoir à multiplier les transferts. L’utilisation d’un fauteuil roulant personnel constitue en effet une entorse à l’hygiène, et on doit le « barder » de serviettes pour ne pas le tremper, une contrainte à l’opposé du bien-être que l’on est censé trouver… Autres défaillances, le faible nombre de mises à l’eau par sièges élévateurs et l’absence de tables réglables en hauteur pour les soins humides : il faut alors être aidé ou porté. Selon les gestionnaires, la corrosion du métal générée par l’eau de mer réduit la durée de vie du matériel et il n’y a pas de table élévatrice conçue pour le milieu marin. Il existe pourtant des appareils métalliques de musculation immergés en eau de mer, fabriqués par une société anglaise et qui équipent notamment la piscine de l’établissement La Falaise (Dinard) qui appartient à Accor Thalassa. La faible fréquentation des centres par des personnes handicapées motrices explique en partie l’inadaptation actuelle, dont la plupart des gestionnaires ont conscience parce qu’elle nuit à l’aspect plaisir et détente de la cure. Mais la mise en accessibilité des soins s’impose légalement à la plupart des thalassos d’ici à février 2015, et dès maintenant pour les nouveaux établissements, pour que le confort de la cure soit le même pour tous.

Leader en France avec 11 établissements, le directeur général des opérations France d’Accor Thalassa, Jean-Louis Dubrule, affirme avoir lancé un plan de mise en accessibilité des soins : « Nous comptons mettre à la disposition des personnes handicapées ou à mobilité réduite au moins une cabine dont l’ergonomie sera étudiée avec des spécialistes, et un équipement pour chaque type de soin : table d’affusion et de massage à hauteur réglable, baignoire à portillon, dispositif d’accès aux piscines. Ces aménagements seront réalisés en concertation avec les commissions d’accessibilité et des associations ».

Carnac, piscine © Jean-Marie Del Moral

Avec une quarantaine d’établissements, la France est leader en Europe, mais elle n’en compte encore qu’un seul adapté aux personnes handicapées motrices : Prévithal. Chaque année, les professionnels du thermalisme et de la thalassothérapie se retrouvent à Paris pour les Thermalies, un salon ouvert au public. Exploration non exhaustive :

En Bretagne et Manche :

Prévithal, installé à Granville (Manche), est probablement le centre le mieux adapté, puisque c’est un centre de rééducation fonctionnelle qui devient Thalassothérapie à partir de 17h. Prévithal reçoit 50 curistes/jour, dont de nombreuses personnes handicapées motrices ou mentales, ou amputées bilatérales. Les bassins ont une mise à l’eau, les tables sont élévatrices, la totalité des soins est accessible (sauf contre-indication médicale), des fauteuils roulants sont prêtés. Un certificat médical est demandé pour les courts séjours (avec signature d’une décharge), la visite médicale est obligatoire pour les cures 6 jours. Prévithal revendique d’être seul en France à utiliser de l’eau de mer non traitée ; pour développer son offre Thalassothérapie, un établissement spécifique est projeté à l’horizon 2011, avec installations adaptées.

Les Thermes Marins de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) sont situés sur la digue du Sillon. Aux personnes handicapées, l’établissement propose, outre la thalasso classique, une rééducation fonctionnelle en eau de mer (hors prise en charge Sécurité Sociale). Fauteuil roulant standard prêté, élévateur sur le bassin de rééducation mais pas pour les 5 autres, tables fixes pour les soins humides et élévatrices pour les soins secs, douches et toilettes adaptées, aide du personnel, visite médicale incluse, ou décharge en cas de refus. L’hôtel 4* et la résidence hôtelière sont reliés à la thalasso (les 2* et 3* affiliés n’ont pas d’accessibilité).

Thalasso Douarnenez (Finistère) a 5 ans, créée à côté du centre de rééducation en eau de mer de Tréboul vers lequel sont orientés les clients handicapés. Le personnel n’est pas formé à aider, l’établissement a des tables élévatrices pour les massages et modelages, propose des soins esthétiques, mais ni algothérapie ni boues marines.

Roscoff (Finistère) compte trois établissements utilisant l’eau de mer : un centre héliomarin, la Thalasso Rockroum et la clinique Kerlena ; cette dernière se consacre à la rééducation en milieu marin de fractures et lésions médullaires. Pionnier français, Rockroum date de 1899, formée d’un bâtiment à multiples extensions. Elle reçoit toutefois des paraplégiques qui peuvent se transférer, dans une partie des installations : massage, baignoires bouillonnantes, bassin hydromassant avec col de cygne, boues et algothérapie (ascenseur mais espace réduit). L’hôtel est accessible, mais il convient de spécifier si on veut sa chambre avec baignoire ou douche.

Installation thalasso vieillissante (30 ans d’âge) à Carnac (Morbihan), mais spa marin rénové il y a un an et demi, avec mise à l’eau (bassin + parcours aquatique), sauna, hammam et douches accessibles, prêt de fauteuil roulant. Un spa adapté semble-t-il, pour une approche bien-être privilégiée par un établissement qui surfe sur la mode actuelle. Côté Thalassothérapie, le personnel n’est pas formé pour aider alors que les baignoires sont hautes : accompagnant costaud nécessaire ! Un certificat médical est exigé.

Côte Atlantique :

La côte basque (Pyrénées-Atlantiques) compte 5 établissements. Parmi eux Atlanthal, à Anglet, n’a pas d’équipement spécifique, hormis des tables élévatrices pour les soins secs. La visite médicale est préconisée, remplaçable par un certificat médical précis témoignant de la part du praticien de sa connaissance de la thalassothérapie. Le centre reçoit des curistes handicapés moteurs, dont une dizaine d’habitués, auxquels est prêté un fauteuil roulant classique (un kinésithérapeute aide en cas de besoin). Tout l’éventail de soins leur est ouvert, sous réserve d’aptitude médicale. La partie Thalasso a été refaite il y a deux ans, avec la collaboration de la commission locale d’accessibilité. De ses deux hôtels, le 2* compte 8 chambres adaptées et le 3* en aura 4 au terme de travaux en cours.

Plus au sud, à Saint-Jean-de-Luz, Hélianthal est orienté davantage bien-être que thérapie. Au-delà de quatre jours de soins, visite ou certificat médical sont demandés, avec signature d’une décharge en cas de refus. Un ascenseur relie l’hôtel, dont 3 chambres sont adaptées, et la thalasso (inaccessible par l’extérieur). Pas d’équipement spécifique, mais la direction envisage de mettre à disposition un fauteuil roulant de douche. Pas de douche adaptée, les tables de massages sont élévatrices, mais pas pour les soins humides. Le personnel est autorisé à aider, et le temps du soin est augmenté en fonction des besoins spécifiques.

Sur l’Ile de Ré, Le Richelieu Thalasso & Spa propose des prestations classiques à luxueuses. Il reçoit 60 curistes/jour, dont quelques habitués handicapés moteurs, malgré l’absence de mise à l’eau pour la piscine et de fauteuil roulant de prêt; tables élévatrices en kiné et modelage mais pas pour les soins humides, pas d’obligation de suivi médical (assuré à la demande du curiste), certificat à fournir ou bien visite médicale ou enfin décharge.

Thalazur gère 5 établissements à Royan (Charente-Maritime), Arcachon, Bandol (travaux d’accessibilité cette année), Ouistreham et Antibes. Ils proposent des cures de 6 jours, ou bien-être plus courtes. Royan est décrit comme le plus accessible; il reçoit quelques habitués mais dispose de peu d’équipement spécifique : tables élévatrices pour les soins secs, ascenseur desservant la piscine, pas de prêt de fauteuil. Les protocoles de soins sont adaptés au besoin, le personnel aide si nécessaire et les soins individuels sont privilégiés pour les curistes handicapés.

Au bord de la Méditerranée :

Sur la Rivieria, Cannes (Alpes-Maritimes) possédera à la mi-mai une thalasso de grand luxe, H.O² Thermes Marins, dominant le Vieux-Port. L’hôtel existant, déjà ouvert, a été entièrement refait; il comporte une suite et deux chambres adaptées (chacune communicant avec une chambre classique), dans un cadre alliant design international et raffinement. L’offre de soins est orientée bien-être : anti-âge, antistress et excès de poids, la visite médicale sera assurée par un médecin chinois, les soins personnalisés sont tous individuels (au moins une cabine accessible pour chacun). La direction n’avait pas prévu d’équipement spécifique : piscine en eau de mer sans mise à l’eau, tables fixes pour les massages alors qu’elles sont élévatrices pour les soins esthétiques. Elle envisage maintenant de mettre à disposition un fauteuil roulant, le personnel sera autorisé à aider. Comptez nénmoins de 3.000 à… 6.000€ par personne pour une cure d’anti-âge d’une semaine !

Plus raisonnable, au Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales) l’établissement Les Flamants Roses est ouvert depuis trois ans. Le personnel peut aider, un temps supplémentaire est accordé pour les soins qui sont adaptés aux besoins du curiste. Un certificat médical circonstancié est demandé, sinon la visite médicale est obligatoire (pas de décharge médicale). Ce centre à taille humaine (60 curistes par demi-journée) reçoit quelques clients handicapés dans l’année, et dispose de chambres adaptées.

Et à l’étranger ?

Parmi les pays proches, Espagne et Italie proposent des cures de qualité, mais ce sont généralement les tour opérateurs qui attirent l’attention du public avec un catalogue diversifié : Grèce, Crête, Malte, Chypre, et surtout Maroc et Tunisie. Ces deux pays offrent des cures à prix imbattables (sur le papier tout au moins) dans un cadre dépaysant. Si les établissements récents ont généralement une accessibilité correcte et des chambres adaptées, ainsi qu’un personnel bien formé, il ne semble pas exister de thalassos à équipement adapté. A cet égard, on peut vivement regretter que le remarquable Grand Hôtel des Thermes de Djerba (Tunisie) utilise, bien que situé en bord de mer, uniquement de l’eau thermale. Mais le point à prendre particulièrement en compte est le voyage aérien et la fatigue qu’il peut engendrer avec la dégradation des conditions de transport, notamment du fait des charters aux horaires imprévisibles. Un inconvénient à peser pour ne pas perdre tout de suite une partie des acquis d’une cure.

La quarantaine d’établissements français (dont l’offre de soins est assez semblable) est répartie sur toutes les côtes, de la mer du Nord au golfe de Gascogne, le long de la Méditerranée et en Corse. Côté tourisme, le choix est largement ouvert. Pour guider votre choix, prenez en compte ces critères :
– le contenu de la cure, à visée thérapeutique ou simplement bien-être;
– l’éloignement du centre, le(s) moyen(s) de transport utilisé(s) et la fatigue qui peut en résulter;
– le coût total du séjour et du voyage, ainsi que des dépenses touristiques prévisibles, en fonction de votre budget;
– le type de climat et la période que vous préférez pour vous détendre, en tenant compte de la fréquentation touristique qui risque de restreindre vos déplacements;
– l’accessibilité dont vous avez besoin, critère à privilégier pour votre confort si vos besoins d’aide sont importants.

Pour une cure efficace :
– demander en quoi consiste le soin, et son déroulement, pour en apprécier le bien-fondé en fonction de ses aptitudes et pathologie;
– être « actif » durant le soin afin de l’adapter au besoin (un soin est généralement répété lors d’une cure);
– la thalassothérapie vise à se relaxer : vous êtes libre d’accepter ou refuser un soin en fonction de son ressenti par rapport à l’objectif. La cure doit rester un plaisir !
– être attentif aux compléments proposés par les établissements, tels que les soins esthétiques, excursions, etc.
– côté matériel, prévoir deux maillots de bain plutôt qu’un (deux pièces pour les femmes) à la fois confortables et bien ajustés (pour éviter le glissement sous la pression de l’eau), un bonnet de bain, des sandales antidérapantes… et de la lecture : les soins ne s’enchaînent pas nécessairement et il faut parfois patienter.

Avant de se décider, il est souhaitable de consulter son médecin traitant. S’il connaît les soins pratiqués, il pourra vous dire si les séquelles de votre handicap peuvent créer des difficultés pour des soins en milieu humide, voire vous conseiller sur ceux qui sont utiles ou contre-indiqués. Mais il arrive que des médecins mal informés sur la réalité d’une thalasso préconisent une cure sans tenir compte d’une pathologie, par exemple pour une personne souffrant d’une sclérose en plaques alors que le séjour en eau chaude lui est fortement déconseillé. Le rôle du médecin de l’établissement est alors de s’assurer qu’une personne handicapée puisse pleinement profiter de sa cure : n’hésitez pas à le contacter avant de vous engager. Sachez enfin que, contrairement à ce que l’on peut penser, la signature d’une décharge médicale n’exonère pas l’établissement de toute responsabilité. Ces pré-requis sont toutefois incontournables :
– maitriser ses fonctions urinaires et sphinctériennes, comme pour toute activité en milieu aquatique;
– ne pas avoir de mycose, de lésion évolutive ou cutanée;
– supporter le séjour dans l’eau chaude, ainsi que la chaleur en milieu humide.

Laurent Lejard, avril 2009.

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