Le bilan de 25 ans d’obligation d’emploi n’est guère flatteur. Alors qu’une génération est passée depuis la loi du 10 juillet 1987 qui a instauré une obligation de résultat d’emploi d’au moins 6% de travailleurs handicapés, l’objectif n’est pas atteint pour moitié dans le secteur privé, et seulement des deux-tiers dans le public. Ce n’est pourtant pas faute d’actions de sensibilisation en faveur du « changement de regard » sur le handicap et l’embauche de personnes « autrement capables », de campagnes pour recruter des compétences et pas du handicap. Mais ces discours généreux et ces actions « d’évangélisation », aussi intelligents et construits soient-ils, se heurtent toujours aux représentations stéréotypées de la personne handicapée qui nécessite un parcours d’accompagnement, un tuteur dans l’entreprise, des matériels spécifiques pour travailler. Tout ce que des employeurs aux yeux rivés sur la compétitivité de l’entreprise n’ont pas le temps ni la volonté de prendre en compte.

Or, la plupart des travailleurs handicapés privés d’emploi n’ont pas besoin d’accompagnement, de tuteur ou de matériels particuliers, ils sont employables comme les autres, mais supportent une discrimination résultant des préjugés habituels, que notre beau pays de France sait si bien entretenir en matière de différence de sexe, origine, faciès, apparence, etc. Résultat : les demandeurs d’emploi handicapés sont passés de 257.121 au 31 décembre 2010 à 332.565 au 31 mars 2012, + 30% en 15 mois, un record que la crise ne peut expliquer seule : les avalanches de licenciements boursiers et autres « gains de productivité » ne se sont en effet produits qu’une fois passées les élections de mai et juin dernier.

Ce constat néagtif s’impose malgré les près de 15 milliards d’euros dépensés depuis la création de l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph). Une grande partie de cette manne a certainement contribué à former des travailleurs handicapés, à financer des études et adaptations de postes de travail, à maintenir dans l’emploi. Mais une part importante de ces milliards a été engloutie dans des opérations de sensibilisation sans résultat probant, des actions de communication vides de bilan, et le financement d’une nébuleuse d’organisations qui se nourrissent du chômage des travailleurs handicapés. En effet, depuis que la loi de février 2005 permet d’imputer sur la contribution due à l’Agefiph ces actions de communication, celles-ci pullulent, et la Semaine pour l’emploi qui se déroulera du 12 au 18 novembre prochains le démontrera encore. Une semaine, ou plutôt deux, parallèles : « l’historique » organisée par LADAPT à l’origine du concept en 1997, et celle de l’Agefiph qui, faute de s’entendre avec la concurrence, a préféré la copier.

Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi se sont créés des centaines de sites web, cabinets de recrutement et officines dédiés au placement des travailleurs handicapés en entreprises. Ces dernières dépensent auprès de ces « prestataires » des sommes qu’elles devraient verser à l’Agefiph, tout en espérant quelques recrutements en retour et une valorisation de leur financement par des actions de communication. L’un des bénéficiaires de ce système pervers est le sport de haut-niveau, de grandes entreprises recrutant des handisportifs qui valorisent l’image de marque tout en coûtant moins chers que d’autres, un jeu auquel tout le monde gagne… sauf les chômeurs peu qualifiés. Eux sont renvoyés de Pôle-Emploi en Cap Emploi, de web en blogs, de bureaux en services, éternelles victimes d’un environnement d’insertion professionnelle à ce point sophistiqué et diversifié qu’il parvient parfaitement à noyer les personnes pour lesquelles il a été développé…

Laurent Lejard, novembre 2012.

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