En ce « joli » mois de mai 2010, quelques députés de la majorité présidentielle ont décidé de présenter des amendements à la législation relative à l’accessibilité des constructions neuves. Un premier groupe, conduit par la députée UMP du Var Geneviève Levy, reprenait le texte introduit dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009 et que le Conseil Constitutionnel a censuré le 29 décembre 2009. Un second groupe, mené par la députée UMP de Meurthe-et-Moselle Valérie Rosso-Debord, proposait un texte inédit ouvrant plus largement encore le champ des dérogations. Déposés le 28 avril 2010 sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, ces amendements ont été retirés ou déclarés non soutenus le 6 mai suivant.

Dans l’intervalle, plusieurs associations nationales dont l’APF, la FNATH et l’Anpihm, ont dénoncé ce recul forcené de l’accessibilité des constructions neuves. On suppose que les tractations et pressions ont été fortes pour que des parlementaires légitimes à s’exprimer dans le champ du handicap déposent ainsi les armes : Geneviève Levy fut l’auteur en 2003 d’un rapport sur l’accessibilité des transports qui, s’il n’a guère témoigné d’une profondeur de réflexion, n’en a pas moins attiré l’attention des personnes handicapées et de leurs associations sur la députée du Var. Quant à Valérie Rosso Debord, elle était l’auteur en 2008 d’un rapport sur l’accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le motif invoqué pour justifier cet acharnement repose sur le blocage de projets de résidences universitaires et autres logements destinés à la location temporaire : 20.000 apparemment. Certes, appliquer les normes d’accessibilité à l’ensemble de ces appartements obligerait leurs constructeurs à dépasser la taille minimale de 9m² (gageons que les étudiants, les jeunes travailleurs et les immigrés apprécieraient de vivre dans des chambres plus vastes) mais la rentabilité voulue par les promoteurs n’intègre guère la notion de confort de vie. Et c’est au prétexte de débloquer la construction de ces 20.000 logements que deux introductions successives de dérogations portant sur l’ensemble des bâtiments neufs ont été tentées par la voie législative. On se rappelle en effet qu’une première introduction de dérogations avait été réalisée par décret en mai 2006 après avis du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées. Les associations nationales de défense des personnes handicapées qui y siègent n’avaient vu que du bleu, sauf une, l’Association nationale pour l’intégration des handicapés moteurs (Anpihm), qui avait attaqué le décret gouvernemental devant le Conseil d’État, lequel lui avait donné raison en juillet 2009.

Le dicton populaire dit « jamais deux sans trois »; on pourra prochainement ajouter « jamais trois sans quatre » : le sénateur UMP des Pyrénées-Orientales Paul Blanc s’est avoué favorable à l’introduction de dérogations à l’accessibilité pour certaines constructions neuves, et il met à la disposition du Gouvernement un vecteur législatif approprié : sa proposition de loi portant sur les Maisons Départementales des Personnes Handicapées. Face à l’urgence de satisfaire les lobbys de la construction, le Gouvernement pourrait être tenté d’accélérer l’examen par le Parlement de la proposition de Paul Blanc. Avec comme résultat un Grand Bond en arrière de 35 ans : le législateur de 1975 n’avait pas estimé légitime de prévoir des dérogations à l’accessibilité des constructions neuves, celui de 1991 avait confirmé cette orientation dans la loi Gillibert, celui de 2005 avait considéré qu’à notre époque toutes les solutions existaient pour construire accessible. Finalement, le législateur de 2010 finira-t-il par renvoyer les personnes handicapées 35 ans en arrière ?

Laurent Lejard, mai 2010.

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