Le rapport n’a pas encore été communiqué aux ministres concernés, mais ses conclusions sont déjà connues : une mission de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales propose de reverser à l’Assurance Maladie les excédents de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (C.N.S.A). Les hauts-fonctionnaires chargés de cette mission par les ministres du budget et de la solidarité ont rendu la décision que le Gouvernement espérait. Ainsi, les près de 25 millions de salariés priés de travailler gratuitement un jour par an au profit des personnes âgées ou handicapées sont-ils floués. Lentement, mais surement, « l’effet vignette » gagne la Journée de solidarité, détournée de son objet premier.

Dans le même temps, la compensation du handicap est devenue un vocable creux, la prise en charge des aides techniques ayant nettement régressée sous les coups répétés du Gouvernement et de la C.N.S.A. En cause, les « crédits fléchés » : cette approche technocratique consiste à limiter à un volume financier infranchissable la prise en charge d’une action déterminée, obligeant à serrer drastiquement la gestion des aides. Résultat : les crédits ne sont pas consommés en amont par un phénomène d’autocensure des commissions chargées de les accorder, puisque les aides sont contingentées et réduites. C’est le reliquat cumulé de ces crédits qui risque à présent d’être définitivement détourné.

Alors même qu’au quotidien, des personnes handicapées se plaignent de la maigreur des financements alloués au titre de la Prestation de Compensation du Handicap pour payer un fauteuil roulant, une adaptation de domicile ou de voiture, des aides humaines. Ces plaintes sont logiques dès lors que l’on décortique la mécanique complexe des financements. Les dépenses prises en charge figurent dans une liste limitative, avec un tarif plafonné et aussi limité que déconnecté du prix du marché, l’ensemble étant soumis à une décision administrative de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées. La loi avait prévu que des Fonds Départementaux de Compensation fournirait un complément aux personnes les plus nécessiteuses. Hélas, ces Fonds ne sont plus qu’un souvenir et le Gouvernement ne les évoque même plus.

Le 3 décembre dernier, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, la Secrétaire d’Etat à la solidarité, Nadine Morano, prenait l’exemple d’un fauteuil roulant électrique : coût 18.000€, prise en charge par l’Assurance Maladie 4.000€ environ et la P.C.H entre 2.000 et 3.000€, reste à la charge de la personne handicapée 10.000€. Le Fonds Départemental de Compensation, qui devait couvrir la plus grande partie de ce « reste à charge » a disparu du discours alors que plus de 500 millions d’euros de crédits C.N.S.A sont disponibles !

Mais le Gouvernement a tourné le dos à l’approche qu’exposait, en janvier 2006, le ministre alors chargé des personnes handicapées, Philippe Bas : « Fauteuil électrique, verticalisateur électrique. Le fauteuil est cher et son prix est très variable : entre 6.300 et 25.000€. Remboursement par l’assurance maladie : 5.187€ (soit 20%). La prestation de compensation double ce tarif et le porte à 10.374€. Ce tarif ‘compensation’ s’ajoute au montant de 3.960€ qui est le montant normal auquel a droit toute personne qui recourt à une aide technique. Soit au total 14.335€, ce qui représente près de 60% du prix de vente maximum. En outre, la personne a généralement besoin d’un fauteuil et de ses accessoires. C’est pourquoi on a prévu de doubler le tarif du fauteuil, soit 10.374 x 2 = 20.748 qui eux-mêmes s’ajoutent au montant de 3.960€. Soit au total 24.708€ de compensation pour le fauteuil et ses accessoires ».

Une arithmétique désormais obsolète parce que les 500 millions d’excédents ne serviront pas à améliorer le quotidien de personnes dépendantes qui se plaignent du contingentement des aides humaines, ce qui en a conduit quelques-unes à tenter de bloquer la Présidence de la République le 8 mars dernier à l’appel de Marcel Nuss. Reçue par un collaborateur du Président de la République, la délégation de la Coordination Handicap et Autonomie n’a rien obtenu en matière de financement. Prochaine étape du parcours de spoliation, la fin de l’année avec le lancement du débat sur la prise en charge de la dépendance. Les salariés pourraient se voir imposer par le Gouvernement l’obligation de contracter une assurance obligatoire, un cadeau très lucratif pour les assureurs : selon la Fédération Française des Assurances, 5 millions et demi de Français payent déjà une telle assurance, alors que 15.000 rentes seulement sont versées (soit 0,0027% des cotisants), pour un montant mensuel moyen de 600€, soit moins du tiers du tarif d’une maison de retraite.

Henri de Castries, PDG d’Axa, ne s’y trompe pas, qui a prôné, le 9 mars dernier, lors du colloque « Dépendance – 5e risque, assurance, services et hébergement : l’heure des choix », la création d’une assurance obligatoire unique, l’Etat étant seulement chargé de subventionner les plus pauvres pour qu’ils puissent payer. Vu ce que cela donne avec le financement des mutuelles complémentaires d’Assurance Maladie, la CMU-C, le pire est encore à venir…

Laurent Lejard, mars 2010.

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