La première alerte a été lancée dès avril 2007 : quelques semaines après la publication du décret relatif à la Prestation de Compensation du handicap en établissement, plusieurs caisses d’Assurance Maladie commençaient à ne plus rembourser les frais de transport réguliers entre le domicile et un établissement d’hébergement ou de soins. Le décret transférait leur prise en charge sur la P.C.H, sans délai ni phase transitoire, alors que peu de personnes étaient informées et que les délais d’instruction des dossiers de demandes dépassaient fréquemment les douze mois. Alors ministre en charge des personnes handicapées, Philippe Bas avait demandé aux caisses de poursuivre leur prise en charge; il avait annoncé la création d’un groupe de travail chargé d’étudier les conditions du remboursement des frais de transport, qui devait rendre ses conclusions « à l’été ». Annonce faite trois jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, et deux mois jour pour jour avant que Valérie Létard devienne Secrétaire d’Etat à la solidarité, en charge des personnes handicapées. Ces péripéties ont-elles fait sombrer le groupe de travail dans les oubliettes gouvernementales ? On peut le penser, car voilà qu’en cette nouvelle année les caisses d’Assurance Maladie arrêtent à nouveau de couvrir les dépenses de transports qui ne sont plus liés à des prescriptions médicales. Arrêt qui révèle un gros problème : le plafond de dépenses prévu par la tarification de la P.C.H Transport n’est pas adapté aux besoins : limité à 200€ par mois, il n’assure que quelques jours de transport à des familles et adultes exposant une dépense avoisinant les 1.000€ mensuels.

Dans une interview accordée ce 1er janvier au journaliste de France Info Bernard Thomasson, Valérie Létard a tenté de se montrer réactive et concernée : elle a d’abord affirmé que la P.C.H « se met en place au fur et à mesure des demandes qui sont faites par les bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé et enfants ». Etrange, parce que rien dans la loi ne réduit aux seuls allocataires le bénéfice d’une P.C.H effective depuis janvier 2006. La Secrétaire d’Etat a ensuite affirmé que les caisses d’Assurance Maladie devaient continuer à rembourser les frais de transport tant que le transfert vers la PC.H n’avait pas eu lieu : ce transfert date pourtant du décret du 5 février 2007, il dépend de l’initiative des personnes et établissements concernés et non pas d’une action collective comme semble le penser Valérie Létard. « Il se peut, dit-elle, que dans certains territoires, ce transfert qui doit se faire normalement en douceur n’ait pas lieu aussi simplement que cela ». La Secrétaire d’Etat s’efforce ensuite de réduire le problème à quelques cas isolés, citant la caisse d’Assurance Maladie de l’Hérault : « L’appel de certaines familles de l’Hérault relève donc d’une de ces caisses d’Assurance Maladie avec lesquelles dès demain nous allons prendre contact ». L’objectif de Valérie Létard n’est pas ici d’obtenir un nouveau délai mais de « comprendre ce qui justifie les écarts de prise en charge entre le coût de transport et le coût de remboursement ». A croire que pour elle, le forfait maximal de 200€ par mois en P.C.H transport serait suffisant si les tarifs étaient plus faibles. Valérie Létard oublie toutefois que le décret du 5 février 2007 prévoit que « Le conseil général peut autoriser la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées à fixer, à titre exceptionnel et compte tenu de la longueur du trajet ou de l’importance des frais engagés en raison notamment de la lourdeur du handicap, un montant supérieur au montant attribuable ».

Et parce qu’elle a eu connaissance d’autres disfonctionnements, Valiérie Létard précise : « Nous avons créé un groupe de travail durant le second semestre 2008, composé d’associations, de professionnels des transports en question, de représentants de l’Assurance Maladie et des départements, et chargé d’évaluer les évolutions possibles de types de transports utilisés, de la fréquence d’utilisation, mais aussi de voir comment mieux ajuster les tarifs et les plafonds de la prestation le cas échéant ». En clair, la Secrétaire d’Etat a créé, un an et demi plus tard, le groupe de travail annoncé par son prédécesseur, dans le but de réduire la dépense en pesant sur les prix du transport spécialisé des personnes handicapées. Un groupe de travail qui se réunira pour la première fois le 23 janvier prochain, et dont la composition doit être classée Secret Défense, le ministère ne répondant à aucune question sur ce point. Mais quand on interroge deux grandes associations incontournables, on comprend que ledit groupe de travail n’existe pas encore : l’Unapei a appris à l’APF (!) que toutes deux seraient conviées à sa première réunion, le 23 janvier, mais n’ont pas à ce jour reçu de confirmation écrite.

Valérie Létard compte employer un « véhicule législatif » pour parvenir à régler le problème, en utilisant le projet de loi sur le 5e risque Dépendance que le Gouvernement présentera au Parlement dans quelques semaines. Problème : ce 5e risque ne devait concerner que les personnes âgées dépendantes, pas les jeunes et adultes handicapés. Mais la Secrétaire d’Etat va néanmoins s’en servir pour corriger « à la marge » la P.C.H. Sauf si le Conseil Constitutionnel estime que cela n’a rien à faire dans une loi sur le 5e risque et sanctionne à nouveau un « cavalier législatif ». Mais à chaque jour suffit sa croix, et celle que porte Valérie Létard dès le 1er janvier est déjà bien lourde…

Laurent Lejard, janvier 2009.

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