Fabrice Selly, infirme moteur cérébral, a fondé l’association Handivol (à ne pas confondre avec l’association homonyme de loisirs aériens). Après avoir conduit des actions de prévention (contraception, maladies sexuellement transmissibles), Handivol veut créer des espaces de parole au sein d’établissements d’accueil et d’hébergement. « On veut élargir notre action à la reconnaissance de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, précise Fabrice Selly. Droit à la sexualité, au plaisir, en direction des personnes handicapées motrices ». Handivol privilégie l’intervention auprès des personnels d’établissements accueillant des jeunes lourdement handicapés, ainsi qu’auprès des jeunes eux-mêmes. Actuellement, cette action est en phase d’élaboration de son volet pédagogique : « Il faut d’abord travailler avec les équipes éducatrices et de soignants, pour connaitre les manifestations quotidiennes de la sexualité des hébergés auxquelles ils sont confrontés, appréhender leur besoin de formation sur ce sujet ».

Fabrice Selly estime qu’il est nécessaire de faire évoluer les mentalités pour faire reconnaître la vie affective et sexuelle de personnes qui sont encore trop considérées comme des malades, par définition sans sexualité. Il se souvient d’un vif débat au sein du conseil d’administration du dernier établissement dans lequel il fut élève et où il avait proposé d’implanter un distributeur de préservatifs : « On m’a répondu que cela inciterait les élèves à avoir des relations sexuelles, que ce n’était pas au moment de l’adolescence qu’il fallait s’intéresser à la sexualité, qu’il y avait d’autres problématiques à aborder, qu’il serait temps plus tard. La vie affective et sexuelle était très réglementée, s’il y avait débordement, il y avait sanction et renvoi. Un élève homosexuel qui avait embrassé un autre garçon avait été renvoyé, avec dépôt de plainte ! Quand on est adolescent, on est fragile, on ne sait pas défendre ses droits. Et en institution, c’est encore plus difficile ». Fabrice Selly se remémore également les débats au sein du Groupe national parents de l’Association des Paralysés de France, en 2001 et 2002 : « J’ai été choqué par l’image que les parents ont de leurs enfants, qu’il ne servait à rien qu’ils aient une vie sentimentale parce qu’elle se terminerait par un échec. Comme si chez les valides l’échec n’existait pas ! La nature hyper protectrice des parents fait qu’ils vivent mal que leur enfant ait une vie amoureuse, voire l’empêchent qu’ils en aient une ». Dans le cadre du Conseil départemental de la jeunesse de Seine-et-Marne, Fabrice Selly a réalisé dans cinq établissements spécialisés des actions d’information reposant sur le théâtre forum :

« Les équipes éducatives étaient confrontées à leur propre représentation de la vie affective et sexuelle des jeunes handicapés accueillis. On a construit des sketches présentés aux jeunes, qui réagissaient, jouaient dans la scène; par exemple, deux jeunes surpris durant un acte sexuel par un éducateur. Mais on ne peut se limiter à un simple travail de sensibilisation des professionnels, il est également nécessaire d’apporter aux jeunes des informations sur les pratiques sexuelles adaptées à leurs capacités fonctionnelles : comment traiter les difficultés d’érection ou trouver de bonnes positions, quelle contraception est la mieux adaptée ? Il y a enfin tout un travail à faire sur l’image de soi, parce que lorsque l’on a un corps qui est manipulé quotidiennement, il est important de redonner de la valeur et de la confiance à ce corps. Cela peut passer par un atelier d’esthétique, un travail sur le plaisir corporel, par le toucher et les caresses. Les jeunes handicapés sont comme les autres jeunes, ils ont les mêmes désirs et besoins, mais dans une société qui valorise l’aspect physique et mécanique, le sentiment ne prime pas, alors que c’est important. Et ce qui n’est pas gagné, c’est de faire comprendre que des personnes handicapées peuvent avoir et élever des enfants ».

Une réalité que les parents ressentent encore trop souvent avec effroi mais dont Fabrice Selly traitera prochainement dans le cadre d’une permanence mensuelle d’information sur la vie affective et sexuelle en cours de mise au point au sein du Centre Régional d’Information et de Prévention Sida d’Ile-de-France. Et qui peut être abordée par tous ceux qui veulent raconter leur expérience, ou inventer une histoire sous forme de scénario. Le Crips organise en effet un concours Contre les discriminations incluant celles qui portent sur le handicap et la sexualité. A vos plumes !

Laurent Lejard, janvier 2007.


Pour en savoir plus : Crips Ile-de-France, Tour Maine-Montparnasse, 33 avenue du Maine B.P 53 75755 Paris cedex 15. Tél. 01 56 80 33 04, Fax : 01 56 80 33 00.

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