Le Trophée Aïcha des Gazelles est probablement la plus importante course automobile réservée aux femmes. Le raid est ouvert aux non professionnelles, couru sans GPS, road book ou assistance, et doit être bouclé en parcourant le moins de kilomètres possibles, la vitesse n’entrant pas en considération. Son édition 2002, du 28 mars au 4 avril dans le Sud marocain, comporte un équipage singulier : deux femmes paraplégiques, Émilie Benazech et Béatrice Hess, qui pilotent un 4×4 Pajero. L’idée de cet équipage revient à Jean- Marc Toulze, président d’Entraide Sport Action, une association qui veut développer l’accès aux sports mécaniques et aux voyages à caractère sportif pour les personnes à mobilité réduite.

Émilie Benazech est une mordue du désert, fascinée par les paysages qu’elle a découvert lors de la Transfennec, une course à travers le désert tunisien qu’elle a effectuée sur un Quad en l’an 2000. Elle utilise cet engin motorisé, qui ressemble à un petit tracteur, pour de longues promenades dans les forêts des environs de Castres, la ville où elle réside. En bravant l’interdiction : « le Quad est homologué en tant qu’engin agricole mais est interdit sur route. Il faut ruser avec la Gendarmerie, faire attention ». Émilie déplore que ce véhicule motorisé, qui permet aux paraplégiques comme elle de profiter de la campagne et de la nature, soit autorisé en Espagne et interdit en France…

Pour faire partie des Gazelles, Émilie change de machine et se retrouve au volant d’un gros Pajéro à transmission intégrale, boîte automatique, commandes au volant. Avec une copilote de luxe, Béatrice Hess, handi- nageuse au palmarès glorieux (lire ce portrait paru sur Yanous en novembre 2000) et qui a abandonné la compétition après les Jeux Paralympiques de Sydney 2000 : « je rêvais de la connaître, elle a un super caractère, c’est très agréable de partir avec elle ». Émilie et Béatrice se sont rencontrées l’été dernier, lors du salon du 4×4 qui se déroule à Val d’Isère. Elles ont pu depuis apprendre à se connaître lors d’un stage de préparation au Maroc, début janvier, durant lequel elles ont vu passer les concurrents de l’Arras- Dakar. Elles vivront la compétition dans les mêmes conditions que les autres participantes : « le désert, c’est dur, il y a des gens qui pètent les plombs, des caractères qui se révèlent ». Seule concession de l’organisation, un véhicule d’assistance pourra intervenir en cas d’ensablement, les deux pilotes du Pajéro ne pouvant de toute évidence espérer sortir sans aide de ce piège du désert. Elles se sont naturellement réparti les rôles : Béatrice n’apprécie guère de conduire mais adore guider, Émilie apprécie le 4×4, un engin avec lequel il est nécessaire d’anticiper, de prévoir la conduite par rapport au terrain.

Engagée au sein de l’association Réponses Initiatives Femmes Handicapées, créée il y a six ans par Regina Ubanatu, Émilie s’est intéressée au rôle des femmes au Maroc : « central, comme en France, elles mènent une vie active et font le travail domestique, mais elles sont absentes des rues, dans lesquelles on ne voit que des hommes, des garçons et des fillettes. Les petits garçons quémandent quelques dirhams alors que les filles font du troc, elles vendent de petits objets qu’elles ont confectionné, des poupées par exemple ».

Après ce raid, Émilie se consacrera entièrement à ses études de psychologie, pour obtenir son DEUG, et à ses pinceaux afin de compléter la galerie de peintures dont elle expose quelques oeuvres sur le web. La tête pleine du sable chaud du désert et de son appel envoûtant à l’aventure…

Laurent Lejard, février 2002.

Partagez !