Le naturisme n’a plus guère le vent en poupe en France, victime du « resserrement moral » prôné par des organisations confessionnelles ou politiques rigoristes. Cette expression de liberté du corps, assez courante dans les pays scandinaves et germanophones, tombe encore dans notre pays sous le coup de la loi dès lors qu’elle est pratiquée en dehors d’espaces fermés ou réservés : randonner nu est assimilé par la loi française à une exhibition sexuelle passible d’une forte amende, voire de prison. Une conception que ne partage évidemment pas Sylvie Fasol : « Le naturisme, c’est le respect de soi, des autres, de l’environnement. Quand on parle de liberté, c’est aussi respecter soi, les autres et la nature aussi, puisqu’on la parcourt. Chaque fois qu’il est possible de ramasser les détritus, on le fait dans nos balades. » Pour leur tranquillité et leur sécurité, les randonneurs nus pratiquent en groupe, certains individuels subissant parfois arrestation, contravention et poursuites judiciaires.

Sylvie Fasol a découvert le naturisme il y a une dizaine d’années grâce à un ami : « Je n’avais pas de famille ou d’amis qui le pratiquaient. Du coup je me suis dit ‘pourquoi pas’, je suis partie en balade avec un groupe qui comptait des enfants en bas âge et d’autres femmes, ça s’est très bien passé… et depuis je n’ai pas arrêté ! » Au point qu’elle préside, depuis plus de sept ans, l’Association pour la Promotion du Naturisme en Liberté (APNEL) qui cherche à populariser la pratique et défend les adeptes lorsqu’ils sont inquiétés par les autorités. Elle a dû affronter sa propre appréhension de dévoiler son corps, elle qui vit depuis quasiment sa naissance avec les séquelles visibles d’une polyarthrite. Elle a subi maintes interventions chirurgicales qui ont laissé des traces, et si elle marche au quotidien, elle ne peut le faire sur de longues distances ou en terrain accidenté : « Quand j’ai commencé, je randonnais à mon allure et avec mes possibilités, en fonction des douleurs du jour. Je travaille, je vaque à tout un tas d’occupations comme une valide, mais avec des impossibilités à cause des interventions chirurgicales, de matériels médicaux implantés. Donc j’adapte en fonction de la sortie qui est proposée : soit je peux la faire soit je ne la fais pas. » Sylvie Fasol a testé une randonnée en joëlette, en prenant la précaution de placer une serviette sur l’assise pour éviter la sudation : « Tout est adapté au handicap de la personne. S’il faut un coussin ergonomique, une assise particulière, tout est prévu. Dans les conditions nu, en mettant une protection, une serviette, un paréo, c’est adapté. »

Ce qui l’a pleinement satisfaite, c’est le regard, ou plutôt l’absence de regard des autres naturistes lors des sorties : « C’est le lieu idéal pour avoir une acceptation de soi, et par les autres. Parce que c’est vraiment l’endroit où les gens ne vous regardent pas, ne vous dévisagent pas de la tête aux pieds. C’est vraiment très agréable. Les gens s’acceptent comme ils sont, parce qu’ils ont déjà fait un travail sur eux pour pouvoir dépasser leur peur, se réapproprier leur corps eux-mêmes. Donc une personne handicapée qui arrive dans cette activité se sent très à l’aise. » Seules demeurent les propres limites physiques de Sylvie, qui ne fait pas de sorties en montagne ou en terrain ardu, ou encore en hiver pour ski ou raquettes par exemple, ce que des naturistes valides font. Mais elle profite de ses voyages à l’étranger pour libérer son corps : « Cela fait partie de mon mode de vie, pour moi ce n’est pas un frein. Si je dois marcher quelque part, visiter un bel espace naturel, pourquoi pas si les gens qui accompagnent sont en accord, il n’y a pas de souci. » Ce respect s’exprime d’ailleurs lors de la rencontre de promeneurs habillés, les randonneurs nus ayant pour habitude de se vêtir à leur approche.

Quand elle compare son expérience à l’étranger avec la situation en France, Sylvie Fasol ne peut que déplorer un certain ostracisme: « A une époque, on était tolérant, maintenant on le devient de moins en moins. Chaque année, on fait des cyclonudistes lors d’une journée mondiale, le seul pays des droits de l’Homme c’est-à-dire la France, ne l’accepte pas. C’est le seul moment où on a été pris pour des hooligans, parce qu’on a été traités comme tels par les forces de l’ordre. Vous allez en Belgique, c’est toléré, vous êtes encadrés, de même en Grande-Bretagne, ça se passe très bien, c’est festif, pacifiste, les gens sont là pour s’amuser, passer un bon moment. » Sylvie Fasol ajoute que lorsqu’elle fait une demande à Paris, les autorités se renvoient la balle entre ministères et Préfecture pour ne pas donner d’accord : « Personne ne se positionne, ne veut prendre de responsabilité, en disant allez-y, vous verrez bien ce qui se passera sur place. Je trouve que c’est très lâche. »

Mais Sylvie Fasol reste optimiste, en constatant la demande de personnes handicapées à la suite d’articles parus dans la presse sur son handi-naturisme en liberté : « J’ai reçu de nombreux courriers de personnes qui ne savaient comment faire. Des structures naturistes prennent en charge des personnes au niveau moteur, quand elles ne peuvent pas marcher, les randonnées sont davantage cadrées. En Bretagne, des gens ont emmené plusieurs fois un randonneur déficient visuel. » Là encore, l’APNEL et sa présidente conseilleront et orienteront tous ceux qui ont envie de libérer leur corps…

Laurent Lejard, août 2015.

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