Ce qui a décidé Patrick Pellerin à s’engager en 1989 dans la vie publique pourrait paraître futile de prime abord : « Je ne faisais pas de sport, je voulais m’occuper des autres, et mon prédécesseur partait à la retraite ». A l’époque, il travaillait comme médecin biologiste, après une formation initiale de pharmacien acquise malgré les séquelles handicapantes d’un spina bifida. Aujourd’hui, avec une population en augmentation de 15% sur vingt ans, il a réussi à revivifier une commune de 800 habitants qui dispose d’un médecin, d’une pharmacie, d’une épicerie, d’une boulangerie, d’un restaurant, d’un café tabac, d’un bureau de poste et d’une école avec trois classes : un panel de services plus que rare pour une aussi petite commune, auquel il faut ajouter bibliothèque, camping (labellisé Tourisme et Handicap), centre équestre, vie associative… La forte implantation de personnes handicapées en est une cause essentielle, et cette abondance de services draine la population des bourgs environnants, contribuant ainsi à la vie locale. « Il y a un médecin dans la commune parce que je m’en suis occupé, précise Patrick Pellerin. Quand celui qui exerçait est parti, j’en ai fait venir un autre, en lui créant un cabinet accessible et le relationnel nécessaire ».

Patrick Pellerin a entamé en 2008 son quatrième mandat de Maire de Sommières du Clain. Située à une quarantaine de kilomètres au sud de Poitiers, la commune compte depuis 2001 un hameau-services alors unique en Europe : il accueille en maisons individuelles des adultes handicapés mentaux et leurs parents âgés, en leur offrant les services nécessaires au maintien de l’autonomie et à la facilitation de la vie quotidienne. Pourtant, cette remarquable réalisation n’a guère attiré l’attention des décideurs politiques. Déjà, en 1996, la commune avait innové en ouvrant un foyer-logement pour personnes âgées, regroupé avec le restaurant scolaire. Les élèves côtoient les ainés, qui reçoivent leur famille et disposent pour cela d’une cuisine pour préparer ensemble un repas. Tous les appartements sont accessibles et adaptés aux handicaps liés au vieillissement. La mixité des générations vécue au quotidien, la reconnaissance mutuelle résulte de cette cohabitation. « Les Français n’aiment pas trop les personnes handicapées, je l’ai entendu dire bien des fois, mais pas directement », estime Patrick Pellerin, qui constate que ce sentiment n’existe pas à Sommières du Clain : « Les personnes handicapées mentales circulent dans le village et sont bien accueillies ».

Pourtant, la création du hameau-services a été délicate. A l’époque, la problématique des personnes handicapées mentales vieillissantes commençait juste à apparaître dans des colloques nationaux, mais pratiquement rien n’existait pour répondre aux besoins : « J’ai dû monter jusqu’au ministre de la santé de l’époque, Bernard Kouchner, pour que les tracasseries cessent. Le temps a passé, et maintenant le Conseil Général, l’État, nous aident beaucoup ». Le hameau-services n’est pas une maison de retraite mais un ensemble de 35 maisons individuelles accessibles et adaptées, construites par un bailleur social. Des services communs assurent aux résidents l’entretien du linge, le ménage, les repas, les soins médicaux, et la convivialité dans le salon commun. Là encore, la mixité est présente, un tiers des maisons accueillant des demandeurs d’asile.

La commune a réalisé son schéma directeur d’accessibilité de la voirie, et les travaux de conformité à la réglementation issue de la loi du 11 février 2005 sont entamés. Mais cet effort n’a pas pour autant déteint sur la communauté de communes, dont le président n’a pas créé la commission d’accessibilité instituée par la loi. Alors Patrick Pellerin envisage de contourner cette négligence en créant une commission au sein de l’intercommunalité du pays Civraisien. Mais sans espérer de miracle, parce que les habitants resteront tributaires de la voiture pour se déplacer, du fait de la quasi-absence de transports collectifs. Seuls les élèves disposent d’un service, mais sans accessibilité.

Actuellement en invalidité, Patrick Pellerin consacre une grande partie de son temps à sa commune : « Je ne fais pas campagne, je suis tout le temps en campagne pour le bien de la communauté ! ». Politiquement, il s’affirme plutôt à droite, sans appartenance à un parti, « mais ma liste est ouverte ». S’il s’est fait élire (de justesse) en 1989, sur l’idée de solidarité, les citoyens ont visiblement apprécié cette démarche, en le réélisant trois fois, avec même plus de 80% des suffrages en 2008. « J’ai la satisfaction de rendre service aux autres, conclut-il. Et à l’échelon communal, on voit ce que l’on fait ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, novembre 2009.

PS : Patrick Pellerin est décédé le 20 août 2013.

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