Depuis la fin de l’été 2019, les Sourds de Gironde disposent d’une conseillère capable de les informer et conseiller en matière d’assurances parce qu’elle pratique leur langue, celle des signes. « Ayant moi-même eu à connaître des difficultés de compréhension au cours des démarches que j’ai pu faire, explique Blandine Malgras, je souhaitais apporter de l’aide à ceux qui, au quotidien, souffrent de ne pas être face à des interlocuteurs qui tiennent compte de leur handicap. L’évolution offerte par Dominique Dumas, directeur de l’agence Aviva de Villenave d’Ornon, me donne également une nouvelle fonction au sein de cette entreprise et surtout l’opportunité que soit reconnue et employée ma volonté de m’investir avec bienveillance pour cette communauté qui est la mienne. »

À 45 ans, elle élève seule ses deux enfants de 17 et 19 ans, et vit là une évolution professionnelle qui lui permet enfin de travailler à temps complet, après des emplois peu qualifiés et à temps partiels. Il faut dire qu’elle a subi, comme de nombreux autres sourds de naissance, une scolarité difficile puisque les cours étaient dispensés oralement alors qu’elle avait été élève de l’Institut National de Jeunes Sourds de Bordeaux jusqu’à son CAP couture obtenu en 1993. Si la LSF a été reconnue dans l’enseignement en 1991, il faudra attendre la loi du 11 février 2005 pour qu’un élève sourd puisse revendiquer son usage, ce que peu d’établissements scolaires sont actuellement en mesure de proposer.

Rançon de ces difficultés et de l’échec scolaire qui l’a orientée vers un CAP, Blandine Malgras n’a pas travaillé dans la couture mais au sein d’un cabinet d’avocat bordelais, à mi-temps pour des tâches de classement, d’archivage et de relances clients. Puis en 2012 elle a été embauchée pour quelques heures de ménage hebdomadaires par le cabinet d’assurances Aviva de Villenave d’Ornon, aux portes de Bordeaux. Et petit à petit, son travail a évolué : classement, relance clients, et maintenant conseillère. « Au cours de cette période, explique son directeur, Dominique Dumas, Blandine m’a fait rencontrer des personnes sourdes et partager ses difficultés avec le monde des entendants. Les difficultés sont énormes avec notre société qui n’est pas adaptée au monde des sourds, tant pour toutes les démarches administratives, que pour tous les services, ainsi que pour les besoins quotidiens. »

Avec au final une prise de conscience mutuelle et l’enclenchement d’un processus de formation : « Son évolution rapide nous a permis ensemble de réfléchir à une réponse adaptée au monde des sourds et malentendants en créant au sein de notre agence un service dédié, ajoute Dominique Dumas. Blandine a été formée, dans un premier temps, aux contrats du particulier : auto, habitation, santé. L’investissement porte sur un accueil, un accompagnement et une réponse physique, ajouté à une réponse à distance via la visiophonie (WhatsApp vidéo, Messenger), assurés par Blandine. » L’agence a fait appel à une interprète lors de la formation, que Blandine Malgras complète en suivant un Diplôme d’Université en LSF qui se poursuivra jusqu’en juin 2020.

Sans attendre et pour bien commencer l’année, elle va bénéficier d’un contrat de travail de 19 heures au sein d’Aviva : « Nous avons pour projet de proposer nos services auprès de structures spécialisées pour les sourds et malentendants, complète Dominique Dumas, des conférences pour définir l’assurance en général et répondre aux questions. » Autant d’occasions d’informer, conseiller et vendre, bien sûr, mais également de rompre un certain isolement des Sourds : « Effectivement, les sourds et malentendants sont reconnaissants envers les personnes qui s’intéressent à eux et mettent en oeuvre des dispositifs pour s’adapter à eux, conclut Dominique Dumas. Blandine et moi pensons que l’ensemble des sourds et malentendants sont d’accord avec nous pour dire qu’ils ne se considèrent pas comme handicapés. Ils parlent juste une langue différente de la nôtre et notre langue leur est étrangère. C’est une question de positionnement de notre société et de norme. Mais il s’agit d’un autre débat… »

Laurent Lejard, janvier 2020.

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