Le concours Miss et Mister Handi France n’est pas un concours de beauté comme on l’entend habituellement, mise en valeur du corps et défilé maillot de bain. Non, ici c’est la beauté de l’esprit et de la personnalité que l’on distingue, pour donner une autre image des personnes handicapées encore trop souvent ramenées à leur réalité corporelle. Celle de Joey Angol, vainqueur du concours 2020, résulte d’une infirmité motrice cérébrale qui le contraint à se déplacer en fauteuil roulant. Né en Guadeloupe il y a 31 ans, il a été soigné et rééduqué en métropole, et vit dans un foyer à Brest (Finistère).

Organisé depuis 2013, ce concours a connu de multiples péripéties mais semble maintenant stabilisé : il a survécu à la pandémie de coronavirus et la compétition « physique » des candidats s’est transformé en visio. « On devait partir à Troyes (Aube), explique Joey Angol, mais le confinement a retardé le concours. On s’est réunis pour voir comment on pouvait garder le concours, on a décidé de le faire en visioconférence. » En cours de route, l’un des trois finalistes hommes s’est désisté et c’est un duel qui s’est déroulé le 8 novembre, couronnant Mister Handi Bretagne 2019 qui a donc devancé les sept autres candidats régionaux. Côté femmes, c’est Lucie Mariot, Miss Handi Grand-Est 2019, qui a été élue Miss Handi France 2020-2021. « Ce concours, c’était un plaisir, pour travailler sur l’image de soi. Je voulais savoir jusqu’où j’étais capable d’aller, j’aime bien les défis. La personne doit être naturelle, montrer qu’elle peut vivre avec le handicap, qu’il se voie ou pas. »

Le seul lauréat vivant en établissement médico-social

Joey Angol réside dans un foyer de vie de l’APF France handicap, mais espère accéder un jour à une vie indépendante. « Je ne sais ni lire ni écrire, c’est lié à l’infirmité motrice cérébrale, les nerfs sont brûlés, ne sont plus connectés aux zones du cerveau qui assurent la lecture et l’écriture. J’ai participé à ce concours pour montrer aux gens que ceux qui ne savent pas lire peuvent apporter autre chose. J’arrive à reconnaître des mots, et j’utilise NVDA [logiciel de lecture vocale très utilisé par les aveugles] pour lire des textes sur ordinateur. J’utilise la lecture vocale sur mon téléphone mobile. » Au quotidien, il s’intéresse à la vie sociale et culturelle, et préside le conseil de vie sociale du foyer. « Je fais de la vente de bonbons, de la boccia, de la sarbacane, du foot-fauteuil. J’ai fait aussi de l’escrime et des concours de pâtisserie et gâteaux. J’aime bien sortir avec mes amis, discuter, partager mon expérience. Mes amis me permettent d’avancer, ils croient en moi, sans eux je n’y serais pas arrivé. Ils sont comme ma deuxième famille. » Ses parents, restés en Guadeloupe, l’encouragent comme ils peuvent et les frères de Joey résident loin, dans le sud de la France.

« Je suis le seul candidat à vivre dans un foyer. J’ai voulu montrer qu’on peut y arriver avec les moyens qu’on a, malgré les difficultés du moment, on peut avoir des contraintes sanitaires au niveau du foyer. Ça m’a permis de changer d’air, la télé parle tout le temps du covid, c’est un peu pénible à la fin. » Il a été encouragé, soutenu par le personnel et les pensionnaires du foyer. « Ils m’ont aidé pour apprendre mon discours. Maintenant ils voient mon nom dans le journal, ils sont très fiers pour moi, ils m’ont dit ‘tu montres aux gens que malgré le handicap tu peux arriver à faire des choses’. Pour moi, le handicap ne doit pas être un frein. » Il profite de la ville autant qu’il peut. « Je prends le tram, je sors seul quand je veux. On a des obligations, mais c’est moi qui décide de ce que je veux. C’est un foyer ouvert vers l’extérieur. On a des règles, mais ça reste ouvert. » Il espère pouvoir s’installer prochainement dans un appartement indépendant. « Pour l’instant, je suis passé devant la Maison Départementale des Personnes Handicapées, j’ai un papier, mais il faut attendre parce que ça bloque à cause du confinement. »

Vers une vie autonome

Joey aura toujours besoin d’aide pour se lever, faire sa toilette, et va suivre après le confinement un apprentissage pour apprendre à cuisiner, et avoir besoin de moins d’aide. Ce ne sera pas facile, il n’a pour vivre que 30% de l’Allocation Adulte Handicapé, 270€ seulement, le reste est gardé par le foyer pour contribuer aux frais de séjour. « Je mets de l’argent de côté tous les mois. C’est compliqué. Malgré le handicap, si on se donne les moyens, on peut y arriver. C’est sûr, c’est fatigant, le fait qu’on sache pas lire, pas écrire, demande plus d’énergie. Mon fauteuil électrique, c’est mes jambes, si je ne l’ai pas je suis paumé. Mais avant tout, on est des personnes normales. Ce n’est pas parce que j’ai un handicap que je ne suis pas comme tout le monde. Je suis une personne à part entière. Mon titre Mister Handi va me permettre d’aller vers les gens, d’aider ceux qui sont dans le besoin, de les écouter, de m’intéresser à leur vie. »

Laurent Lejard, novembre 2020.

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