Joaquín Rodrigo est né à Sagunto, dans la province de Valence, le 22 novembre 1901, jour de la Sainte Cécile, patronne des musiciens, dans une famille de propriétaires terriens. Il est le plus jeune d’une famille de 10 enfants et devient aveugle dès 1905, à la suite d’une épidémie de diphtérie; il suit des études dans une école pour aveugles de Valence et montre très tôt un grand intérêt pour la littérature et la musique. Parallèlement, il reçoit une solide formation au conservatoire de la ville.

Au début des années 1920, le jeune Joaquín, désormais un excellent pianiste, produit ses premières créations musicales. Son opus 1 est constitué de deux pièces courtes pour piano et violon : « La enamorada junto al surtidor » et « Pequeña ronda » (1923). Sa première composition pour orchestre, « Juglares », créée par l’Orchestre symphonique de Valence en 1924, est un triomphe. Ces oeuvres de jeunesse se caractérisent par un style délicat teinté de nombreuses réminiscences de Ravel et Granados.

En 1927, comme l’avaient fait avant lui Albéniz et Falla, Joaquín Rodrigo s’installe à Paris où il étudie à l’École Normale de Musique sous la direction du compositeur Paul Dukas. La rencontre du jeune homme avec Manuel de Falla sera déterminante, début d’une très longue amitié. En 1933, Joaquín épouse la pianiste turque Victoria Kamhi qui abandonnera sa carrière pour se consacrer entièrement à son époux. Le couple s’installe à Valence, sous la protection bienveillante de l’ami Falla.

De retour à Paris, Joaquín complète ses études avec Paul Dukas puis se rend en Autriche pour assurer la couverture journalistique du festival de Salzburg pour des publications françaises et espagnoles. Il continuera toute sa vie à exercer ce métier de critique musical.

En juin 1936, le couple Rodrigo est de passage en Allemagne lorsqu’éclate en Espagne la guerre civile qui aboutira à la prise de pouvoir de Franco. Les Rodrigo se réfugient à l’Institut des aveugles de Freiburg où ils donnent des leçons de musique et d’espagnol. Invité par l’Université de Santander (Cantabrie), le couple rentre une première fois en Espagne en 1938, puis séjourne de nouveau à Paris. C’est au cours de ce séjour que Joaquín écrit les premières notes de son célébrissime Concerto d’Aranjuez pour guitare et orchestre. A l’automne 1939, on lui offre un poste à la radio nationale à Madrid où le couple s’installe définitivement. Joaquín dirige également la section artistique de la Once (Organisation nationale des aveugles d’Espagne).

Cecilia, la fille unique des Rodrigo, naît en 1941. En 1947, Joaquín succède à Manuel de Falla à la chaire de Musique de l’Université de Madrid. Il reçoit, l’année suivante, le prestigieux Prix Cervantès à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de l’écrivain, pour la célébration duquel il compose les fameuses Ausencias de Dulcinea. Prix, compositions et récompenses, tant locales qu’internationales, se succèdent : Joaquín sera notamment fait Officier des Arts et des Lettres en 1960, recevra la Légion d’honneur en 1963 et deviendra Commandeur des Arts et des Lettres en 1998. En 1954, à la demande du guitariste Andrés Segovia, il compose la célèbre Fantasía para un gentilhombre pour guitare et orchestre, qui sera créée l’année suivante à San Francisco.

Le succès de ses compositions et de ses nombreux concerts, récitals et festivals donnés au cours des décennies suivantes dans le monde entier feront de Joaquín Rodrigo une véritable star internationale dont le succès ne se démentira jamais. Il est anobli par le roi Juan Carlos I en 1991, qui le fait « Marquis des jardins d’Aranjuez ». Victoria Rodrigo meurt en 1997, Joaquín la suit le 6 juillet 1999. Tous deux reposent désormais dans le caveau familial au cimetière d’Aranjuez.

Entre 1922 et 1987, Joaquín Rodrigo aura composé quelque 170 oeuvres dans la plupart des formes musicales. Comme le remarquent de nombreux critiques, sa musique est fondamentalement conservatrice. S’il tend à suivre, au début de sa carrière, les traces de ses contemporains, il se tourne très tôt vers une certaine tradition purement espagnole, affirmant lui- même ne s’être pas fixé comme objectif de couper avec le passé ou d’établir de nouvelles formes musicales mais bien de rendre hommage aux musiciens d’antan et donner une nouvelle vie aux expressions de leur époque. Pari réussi avec magnificence !

Jacques Vernes, janvier 2003

Pour de plus amples informations sur la vie et l’oeuvre de Joaquín Rodrigo, on pourra très utilement consulter le site officiel du compositeur (en espagnol et en anglais).

Partagez !