Dans la jungle que sont devenus de nombreuses pages d’accueil, et plus particulièrement celles des « portails » et des sites des médias, il devient ardu de trouver rapidement l’information recherchée, même pour les voyants. Il faut aux aveugles et malvoyants une virtuosité et une patience certaines pour affronter les innombrables rubriques fréquemment placées autour de pavés de textes disposés généralement sur plusieurs colonnes. Heureusement, les versions récentes des logiciels utilisés par les aveugles, Jaws notamment, lisent les textes des colonnes ligne après ligne (antérieurement, ils suivaient le texte de la ligne en lisant celui de la colonne suivante avant de passer à la ligne du dessous).

Travailler en amont.
 Pionnière de l’accessibilité du web en France, l’association BrailleNet a essentiellement oeuvré en direction des pouvoirs publics, en expliquant les besoins des déficients visuels : l’administration électronique et la politique de développement des téléservices ne peuvent laisser au bord des autoroutes de l’information une partie des citoyens. BrailleNet travaille essentiellement en amont, sur la création ou la mise à niveau de sites. L’association avait notamment créé un Observatoire évaluant les sites de l’administration et des services publics; actuellement gelé par manque de moyens, cet observatoire devrait prochainement être réactivé, l’association ayant fait évaluer une trentaine de sites par son réseau d’experts, au nombre d’une douzaine répartis dans toute la France. BrailleNet organise également des sessions de formation à l’accessibilité destinées aux développeurs et créateurs web, qui ont eu peu d’audience : environ une quinzaine de personnes formées seulement. L’association reconnait ne pas avoir de contacts avec les écoles de l’Internet qui se multiplient sur le territoire, ce qui est un peu gênant pour promouvoir le label Accessiweb, déposé par BrailleNet et que l’association espère imposer comme référence en France.

Agir au moment de la conception, c’est également la mission que s’est donnée IBM Accessibilité. Créé en avril 2001, ce service est transversal, agissant sur tous les métiers de l’entreprise : il diffuse l’information réglementaire en matière d’accessibilité, propose aux laboratoires le développement de logiciels et solutions informatiques adaptés, stimule la diffusion de ces produits en informant les commerciaux de la compagnie. La démarche IBM, initiée en 1998, répond aux nécessités du marché américain qui oblige les compagnies informatiques à fournir aux services publics des produits correspondant aux normes d’accessibilité (loi 508). Sur le marché français, dans l’attente d’une réglementation contraignante, IBM propose l’accessibilité en option. Cela pourrait évoluer dans l’hypothèse où la proposition de directive présentée le 25 mars 2002 par la Commission Européenne serait adoptée par les instances de l’Union Européenne. Un marché immense s’ouvrirait alors aux « Majors » pour l’adaptation des sites Internet des services publics. « IBM est prête », affirme Julien Ghez, qui dirige la branche française d’IBM Accessibilité, et peut répondre à la fois à la demande en matière d’architecture et de réalisation de pages web, de la plate- forme e-business à vocation internationale jusqu’au site personnel de « Madame Michu ».

A la différence de Microsoft, qui n’intervient qu’en terme de stratégie et de conception d’outils logiciels. La compagnie élabore la mécanique du e-business mais n’assure pas la création de pages web, laissant ce travail aux web agency. « L’accessibilité est incluse dans nos produits » précise Roger Abéhassera, directeur général adjoint de Microsoft France. Cette dernière a mis en place au printemps 2001 une traduction française des pages d’information du site américain de la compagnie, relatives aux options d’accessibilité de ses produits.

…ou en aval.
 Société créée en 2000 par des élèves d’écoles de commerce (dont un aveugle) et qui peine à décoller dans le marasme économique des start- up, Visual Friendly a réussi un beau coup de publicité en plaçant son Label Vue sur deux sites de candidats à l’élection présidentielles, François Bayrou et Lionel Jospin. Désormais développé en interne, Label Vue est opérationnel sur quelques sites commerciaux ou institutionnels. Le système permet de modifier et de personnaliser l’apparence des pages (contraste, taille des polices, etc.), toutes choses qu’effectuent cependant les options d’accessibilité de Windows ou du système d’exploitation Mac. La particularité de Label Vue est de réorganiser la page, par l’utilisation de modèles, de manière à pouvoir placer les liens à un emplacement standard qui restera le même; par exemple, placer le lien vers la page d’accueil au haut à gauche. Ce système devrait connaître d’importantes évolutions techniques.

Visual Friendly pratique également un conseil en réalisation de pages web accessibles et en ergonomie, privilégiant l’accès aisé à l’information. La société cible dans sa démarche commerciale les secteurs culturels, financiers, touristiques, téléprocédures, afin de pouvoir proposer aux déficients visuels une gamme assez complète de services pratiques mis en accessibilité. Avec une limitation importante : Visual Friendly n’a pas inclus le conseil éditorial dans son offre, réduisant son intervention aux seuls aspects technologiques.

En attendant que la loi s’impose, l’accessibilité du web passe encore par la sensibilisation et l’information, l’enjeu commercial pointant à peine le bout de nez…

Jacques Vernes, avril 2002.

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