Elle a commencé à travailler à l’Assedic de Bretagne en 1978. « L’école de Vertou, en Loire- Atlantique où je faisais mes études, m’a informée que l’Assedic cherchait quelqu’un pour l’agence de Brest. J’ai immédiatement sauté sur l’occasion ». Après deux années passées dans le Finistère, Marie- Annick à été mutée à Lorient. « Le travail était bébête et surtout pénible : passer aux collègues des communications, composer pour eux des numéros de téléphone toute la journée, cela ne présentait aucun intérêt ! »

Un plus. Mais très vite, la demande des usagers conjuguée à la nécessité de faire évoluer l’accueil dans les services publics ont profité à Marie- Annick. Un programme de formation interne a été proposé à l’ensemble des agents. « J’étais contente d’envisager éventuellement un plus dans mon travail au quotidien ». Elle renseignait les usagers qui téléphonaient sur la réglementation applicable aux allocations versées par les Assedic.

L’informatique change la vie. Mais Marie- Annick ne pouvait accéder à aucun dossier d’allocataire, à aucune note de service etc. « Je travaillais avec une tablette Braille. Je devais demander aux collègues de me lire les notes administratives, les documents syndicaux… ». Dès qu’elle a entendu parler de l’accès désormais possible de l’informatique aux aveugles, elle a demandé à son employeur de l’équiper. « J’ai dû beaucoup insister et même harceler ! ». Il faut dire que peu de collègues croyaient que Marie- Annick était capable de faire autre chose que du standard. « Ils pensaient impossible qu’un non- voyant puisse accéder à l’information via un ordinateur. J’ai eu l’impression que les cadres étaient beaucoup plus ouverts à cette perspective ». Grâce à son matériel, elle peut accéder à toute l’information disponible sur le réseau interne de l’Assedic grâce à un terminal connecté au réseau, un scanner et surtout d’un visiobraille (appareil portable constitué d’une plage tactile braille de 40 caractères et d’une possibilité de stockage de données grâce à une petite mémoire interne ; relié à un PC, il restitue sur la plage tactile toutes les informations visibles à l’écran). « C’était fantastique pour moi. Enfin, je pouvais suivre l’évolution d’une demande d’indemnisation, répondre très précisément à un usager sur sa situation personnelle. Je pouvais même espérer prétendre à d’autres tâches. J’ai même envisagé demander à mon employeur de présenter les dossiers devant les commissions d’attribution ».

L’adaptation… ou le hamac ! Au milieu des années 90, comme beaucoup d’entreprises et d’administrations, l’Assedic de Bretagne a décidé de procéder à la réorganisation complète des tâches des agents. Marie- Annick a surtout été angoissée par l’un des volets de cette réorganisation : le standard est purement et simplement supprimé. « Mon poste de travail devait, de fait, disparaître et j’étais condamnée à exercer un autre métier ». Elle s’est vu proposer une formation interne mais compte tenu du fait qu’elle est la seule non- voyante travaillant à l’Assedic de Bretagne sur 550 salariés, elle ne pouvait pas suivre cette formation avec ses collègues. En effet, parmi les supports utilisés par les formateurs, le rétro- projecteur est omniprésent. « La première chose que m’a dite mon formateur était : il n’y a que deux possibilités, où tu t’adaptes ou on t’installe un hamac pour les 7 h 30 quotidiennes de présence dans l’entreprise ! ». Le formateur a dû élaborer un plan spécifique de formation pour Marie- Annick. « Il est parti de mes possibilités et compétences pour me former. Il m’a aidé à corriger un des défauts liés à ma cécité : quand un usager m’interrogeait sur sa situation, j’avais tendance à lire tout haut les éléments le concernant qui s’affichaient à l’écran. Un usager avait même dit : qui est cette opératrice qui radote ? ».

Marie-Annick aujourd’hui. Depuis deux ans, elle est affectée à la plate- forme téléphonique et répond aux demandeurs d’emploi. « Je peux pré- inscrire, informer sur l’évolution du dossier, commander des attestations, etc. ». Mais elle ne peut pas agir sur le dossier. En effet, 80% des documents sont encore aujourd’hui sur support papier (attestation employeur, fiches de paie, etc.) « Bien sûr je dispose d’un scanner mais celui- ci ne permet pas de lire l’écriture manuscrite. Pourtant, j’aimerais pouvoir instruire les dossiers de l’inscription à la notification de la décision et non pas me contenter d’observer cette instruction de manière passive ». Mais pour que Marie- Annick puisse réaliser son rêve, il faudra qu’elle attende encore un peu…

Abder Ragui, mars 2001.

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