C’est une voiture qui a emporté, il y a huit ans, la jambe gauche de Sonia, amputée juste au dessous du genou. Sonia Troussard, aujourd’hui 25 ans, divorcée et mère de deux enfants, s’est efforcée de reprendre une vie normale. Elle pratiquait le judo en compétition à haut niveau, activité désormais impossible, fut- ce en handisport puisque la discipline n’existe pas ! C’est le hasard qui amène Sonia, attirée par les sports « fun » comme le Jet- ski, à s’asseoir dans un side- car. « Un collègue de travail cherchait une équipière, j’ai essayé sur le ton de la plaisanterie. Bruno, le pilote, était dubitatif, il avait peur pour moi ». Pourtant, la moto, Sonia connaît bien : son père en faisait et son oncle participe à des rallyes. Tout est allé très vite : stage de formation en décembre dernier, compétition et titre national suivront les mois suivants.

Les débuts de Sonia au milieu des bikers ont été difficiles, parce qu’elle était la première femme équipière, « singe » en termes techniques : elle doit se déplacer sur le side pour équilibrer l’engin. Parfois à l’intérieur, accroupie et le dos rond pour faciliter les accélérations, souvent arc- boutée à la carrosserie pour contrebalancer la gîte dans les virages ou enveloppée autour du pilote. Les hommes du circuit demandaient « ce qu’elle venait faire celle- là » dans leur sport si physique et viril, ils tenaient Sonia l’écart. Ils voyaient bien qu’elle avait des difficultés à marcher en quittant son side- car du fait des positions imposées à sa jambe amputée. « Je ne disais rien, j’ai pris sur moi » quand un pilote lui passait ostensiblement devant lors d’un contrôle ou saluait son équipier mais pas elle. Jusqu’à ce jour, lors de la troisième course du circuit, où elle a explosé : « un motard avait dit tout haut comme si je n’étais pas là ‘les bonnes femmes n’ont pas leur place ici’. Je l’ai traité de tous les noms et suis parti en pleurant. On est reparti sur de nouvelles bases quand les motards ont su que j’étais amputée, que je pratiquais leur sport avec une prothèse de jambe ».

Les autres compétitions se passent dans une autre ambiance. Sonia est aidée spontanément, les motards sont très attentifs à elle. « Au début, cela me vexait. En discutant avec plusieurs d’entre eux, j’ai compris qu’ils étaient admiratifs de ce que je parvenais à faire ». Sonia est maintenant traitée à égalité, et son titre de championne de France, conquis au côté du pilote Bruno Marlin, en fait une femme très sollicitée : de nombreux motards la voudraient dans leur side. Mais la grande satisfaction de Sonia est d’avoir surmonté son handicap et gagné sa place dans un milieu rude. Elle consacrera encore une saison à la compétition de side- car avant de suspendre sa participation : « j’ai envie d’avoir un enfant avec un mon nouveau compagnon ». Sonia fait passer sa famille avant le sport. Mais elle continuera à courir : « la moto, ça me plait énormément. Je poursuivrais en activité de détente autrement ça me manquerait. Et puis, l’ambiance de fête est super ». Parce que Sonia a dompté les machos ! Et pour en savoir plus sur Sonia Troussard et Bruno Marlin, consultez le site de leur équipe, Les Marluches.


Laurent Lejard
, novembre 2002.

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