Beau palmarès

Il n’y a pas de doute, Marla Runyan est une pionnière. Cette américaine est la première athlète officiellement non- voyante à se qualifier pour les JO. A trente et un ans, elle vient de réaliser son rêve le plus cher. Son moral est d’acier et devant ses détracteurs, elle n’hésite pas à dire : « la plupart des gens croient que j’échouerai. Mais je suis allée en finale aux Championnats du monde l’an dernier quand les prophètes de malheur disaient que c’était impossible, j’ai l’habitude d’avoir les paris contre moi ». Cette ancienne heptathlète ne s’en laisse pas compter. Elle affiche un palmarès sportif plus qu’honorable. En 1992, aux Jeux Paralympiques, elle remportait la médaille d’or sur 100 m, 200 m, 400 m et au saut en longueur. Quatre ans plus tard, à Atlanta, elle s’emparait d’un titre au 100 m et à l’heptathlon. C’est en 1997, qu’elle décide de donner un tournant à sa carrière en rejoignant les jeux destinés aux « valides ». Bien lui en prit car sa progression fut incessante. L’an dernier, elle se faisait remarquer en remportant le 1500 m des Jeux panaméricains et en terminant dixième du 1500 m des championnats du monde de Séville.

Success story

A force de ténacité et de réussites sportives, l’histoire de Marla est devenue la success- story du moment des télévisions américaines. L’exemple même de la capacité humaine à surmonter le handicap. Simple et édifiant. Marla a été voyante jusqu’à ce que l’on diagnostique, vers 9 ans, une maladie de Stargardt, une dégénérescence de la rétine. « Schématiquement, c’est comme si j’avais un trou noir au milieu de l’oeil, explique- t-elle derrière les lunettes noires qu’elle porte constamment. Ma vision périphérique est intacte, mais je ne peux pas distinguer ce qui se trouve en face de moi. Je peux évidemment marcher et courir sans assistance et me repérer dans une pièce pleine de monde mais je suis incapable de reconnaître les gens autour de moi. Alors, si mon entraîneur se trouve à plus de 30 centimètres de moi, je ne le vois pas. Mais il en a l’habitude ! ». Sur le terrain, bien sûr, elle doit prendre en compte son handicap. Elle utilise des lentilles de contact adaptées qui lui permettent de distinguer la couleur du tartan et les silhouettes de ses adversaires. Les éclats du soleil, qui la rendent totalement aveugle, sont ses pires ennemis. Au moment du départ, elle cherche ses repères visuels et en course elle prévient les chutes en courant systématiquement à l’extérieur des couloirs ce qui augmente de quelques mètres la distance à parcourir.

Agacement

Marla s’accommode mal des coups de projecteur braqués sur elle qui insistent sur sa déficience. En exergue du site web qui lui est dédié, elle met en garde : « Mes problèmes de vue sont juste une circonstance. Je suis légalement aveugle depuis 20 ans. Je suis habituée à ma vision et à la façon dont le monde m’apparaît. Je le suis tellement que j’oublie totalement que je vois les choses différemment des autres. D’ailleurs, je ne considère pas mon handicap comme tel lorsque je vais courir. Je ne l’utilise pas plus comme excuse pour justifier une mauvaise course ni, lorsque dans une compétition de haut niveau, je touche une concurrente. Il y a évidemment des choses que je ne peux pas faire mais heureusement participer aux Jeux Olympiques n’est pas l’une d’entre elles ! ». Marla ne peut rien y faire, sa réputation gagne du terrain. Elle est en passe de devenir un modèle pour les jeunes souffrant du même handicap. Un sujet de fierté pour tous ceux dont l’intégration dans la société civile est difficile. « Marla n’est pas seulement un athlète de classe internationale, elle est une personne de classe internationale et c’est pourquoi nous la soutenons », clame l’association américaine des athlètes aveugles (USABA).

Et nous, parce que c’est une femme. Il n’y a pas de raison !

Delphine Siegrist, septembre 2000.

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