Ils ont déjà « consommé » deux courtiers et plus d’une demi-douzaine de banques ! Stéphane et Véronique Schoonacker, qui vivent dans un appartement adapté d’un immeuble de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) sont systématiquement refusés par les établissements financiers dès que le mot « myopathie » est prononcé. Pourtant, les séquelles de la myopathie de Becker avec laquelle vit Stéphane depuis 46 ans sont stabilisées et rien ne permet de penser que son espérance de vie en soit abrégée. Mais les banquiers rejettent ce client sans même lui permettre de passer à l’étape « recherche d’une assurance ». En effet, l’obtention d’un emprunt immobilier suit un parcours rigide : montage d’un dossier intégrant le coût du terrain et de la construction de la maison, étude du financement bancaire en fonction des revenus des demandeurs et des aides à la pierre dont ils peuvent éventuellement bénéficier, assurance de l’emprunt en fonction des risques santé-invalidité des contractants après fourniture d’un questionnaire médical, éventuel accord de l’établissement. Parce qu’en pratique, la législation autorise les banques et sociétés de crédit à discriminer les clients selon leur état de santé ou de handicap, et elles ne se gênent pas pour le faire.

Le couple Schoonacker n’est parvenu que deux fois à l’étape « questionnaire de santé », retoqué deux fois, les autres banques répondent d’office « niet! ». Il ne leur a donc pas été possible de demander à bénéficier de la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Ce ne sont pas leurs revenus et solvabilité qui posent problème mais le mot « myopathie » qui fait lever les boucliers des banquiers. « On prête à mon épouse, explique Stéphane. Mais on n’arrive pas à accéder à la convention Aeras. » Cela leur permettrait d’obtenir l’assurance de l’emprunt à un taux acceptable.

Voilà donc leur rêve de maison individuelle bien compromis, d’autant que les soutiens manquent : pas de réponse des élus locaux et parlementaires contactés via des réseaux sociaux. Bien qu’ayant acquis un terrain à Audinghen, à proximité du cap Gris-Nez, au moyen d’un apport personnel, ils ne peuvent bâtir dessus la maison adaptée dans laquelle ils souhaitent poursuivre leurs jours : prés de 200.000 euros sont nécessaires, mais ils n’ont obtenu au mieux qu’un accord verbal pour 120.000 euros sur les seuls revenus de Véronique, et jamais aucun courrier, tout reste oral pour ne pas laisser de traces : « Ça ressemble à une discrimination a priori » déplore Stéphane. Et voilà un couple qui a signé un compromis de vente pour un terrain viabilisé mais vide, qu’il ne peut que contempler. Condamné à demeurer en immeuble collectif, au milieu de locataires valides et handicapés : Stéphane Schoonacker et d’autres personnes handicapées avaient été, il y a près de dix ans, pionniers d’un programme de logement inclusif, réussissant à impliquer un bailleur social dans l’adaptation des appartements. Aujourd’hui, Stéphane voudrait, avec son épouse, vivre chez eux, dans leur maison : une banque rendra-t-elle enfin cet espoir réalisable ?

Laurent Lejard, avril 2018.

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