Le milieu du handicap est à l’image de notre société : apathique et docile. Mais est-ce étonnant quand on voit que les associations sont à l’image de nos syndicats : en déréliction et incapables de rassembler leurs forces et d’avoir une politique cohérente ? En fait, me semble-t-il, il n’y a que certaines délégations et les petites associations, celles qui surnagent par manque de moyens financiers mais pas d’idées, à l’instar de la Coordination Handicap et Autonomie et de l’Association Nationale pour l’Intégration des personnes Handicapées Moteurs (ANPIHM), par exemple, qui sauvent l’honneur dans un milieu associatif le plus souvent sans courage, sans stratégie ni véritable solidarité.

La France va (très) mal depuis 2007 à tous les niveaux, sauf dans la stratosphère des millionnaires – a minima. Et le milieu du handicap n’y échappe pas non plus, bien évidemment. Les inégalités, les injustices sociales et même juridiques se creusent de façon indécente sous les regards… fatalistes, au mieux, des innombrables victimes elles-mêmes. Le système éducatif est à terre et le système de soins, notamment hospitalier, ne cesse d’être laminé, comme le médico-social et le juridique. Le fossé des inégalités est désormais tellement vertigineux que c’en est méprisant et révoltant. Même nos libertés et nos droits les plus élémentaires sont de plus en plus réduits.

Ce que je vois, jour après jour, que j’entends, que je sens et que je pressens ne peut pas me réjouir et me laisser de marbre. Comment rester distant et silencieux devant tant d’exploitations des plus pauvres, des plus fragiles, tant de spoliations, tant de mépris pour l’intelligence de toutes ces personnes qui vivent dans une précarité indigne de la France et dans des conditions de vie inhumaine. Le plus risible, c’est qu’on nous prend pour des billes à force de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Ainsi, l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) est une grosse arnaque avec sa soi-disant revalorisation – avec la complicité, bien sûr, d’une secrétaire d’État, Sophie Cluzel, ancienne présidente d’une fédération pour l’intégration scolaire, la FNASEPH, qui cautionne cette régression – Michel Gillibert, en son temps, n’avait guère fait mieux. La Prestation de Compensation du Handicap (PCH), à l’exception de quelques rares départements, n’est plus que l’ombre d’elle-même après les quinquennats de Sarkozy et Hollande. La mise en accessibilité des lieux publics et du bâti est une grosse plaisanterie qui n’amuse que l’État et tous ceux qui profitent de ce recul social et sociétal, à l’instar de tous ces destructeurs de notre planète pour des raisons purement mercantiles. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Et je ne parle même pas de l’accompagnement sexuel que tout le monde feint d’ignorer, tout en laissant faire avec une hypocrisie tellement franco-française, par peur d’ouvrir la boîte de Pandore en froissant fortement les bataillons de moralisateurs intolérants qui sont aux aguets.

Désormais, ce sont des individus plus ou moins isolés, des petits groupes, des petits comités, des petites associations qui sauvent ce qui peut l’être en refusant de rentrer dans ce système, d’en être complices, quitte à prendre des risques, à se mettre en porte-à-faux avec la loi. C’est par des îlots de résistance que viendra le salut, par le bas, pas par le haut. Il est donc urgent de soutenir et d’encourager de tels mouvements afin de redonner toute sa lumière et son sens à notre devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Il est urgent de combattre les injustices, les discriminations et les exclusions pour faire renaître l’espoir. La France appartient aux Français, pas à son élite. Encore faut-il que les Français en prennent conscience et se réveillent.

En attendant, longue vie à Yanous ! Car il est indispensable d’avoir des magazines qui nous ouvrent les yeux et aiguisent notre vigilance, notre sens critique. Les moutons de Panurge n’ont pas leur place dans une telle société, ils ne peuvent qu’espérer l’abattoir sous des guirlandes de Noël trompeuses afin d’adoucir leur chute. Bonne chance et bon courage à tout le monde !


Marcel Nuss, Président de l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS), décembre 2017.

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