Grand Lyon Habitat est l’appellation récente de l’office H.L.M de la ville. Avec 23.000 logements, quasiment tous collectifs, l’organisme est le plus important bailleur social lyonnais. Malgré la crise structurelle dans laquelle les pouvoirs publics maintiennent le logement social, il parvient à augmenter son rythme de construction, avec 600 nouveaux appartements en 2008. Cela sur fond de foncier difficile à trouver, et nécessité de réhabiliter de nombreux immeubles anciens. Dans ce contexte, l’OPAC H.L.M conduit des actions spécifiques de logement adapté aux personnes handicapées motrices, autonomes ou pas. « Nous avons identifié le parc accessible par adresse et degré d’adaptation des logements, explique son directeur général, Daniel Godet. Nous devons encore terminer le recensement des occupants de ces logements, afin de savoir s’ils sont handicapés et peuvent y demeurer ». Grand Lyon Habitat veut en effet appliquer les dispositions de la nouvelle loi de mobilisation pour le logement, qui autorise un bailleur social à déplacer les occupants d’un logement accessible ou adapté au profit d’un demandeur handicapé. L’Office construit actuellement 30% de logements adaptables, parfois en restructurant des appartements (10 à 15 par an); côté financement, l’exonération de Taxe Foncière représente 70% du montant des travaux, réalisés avec l’appui du Pact-Arim et d’ergothérapeutes.

Dans le 8e arrondissement, La Rosière est une résidence ouverte en 2006. Ses 6 appartements adaptés sont destinés à des célibataires dépendants ayant besoin d’une aide quotidienne à domicile fournie par l’association La Richardière Services et Appartements en Ville. Issue d’une fusion de deux structures dont l’une à été créée en 1998, elle assure pour une vingtaine d’usagers une aide à domicile qui va du lever au coucher, assurée par une trentaine d’auxiliaires de vie; un SAVS (Service d’accompagnement à la vie sociale) effectue un soutien social, une aide à l’activité et stimule les usagers à participer à la vie sociale et culturelle. Avec accompagnement par les auxiliaires de vie en cas de besoin. « Les aides à domicile sont financées par la Prestation de Compensation du Handicap, explique Martine Valla, directrice de La Richardière. Elle couvre bien les prestations, les usagers l’ont obtenu sans difficultés, mais pas avec une prise en charge 24 heures sur 24 ». La nuit, un veilleur intervient sur appel des neuf locataires les plus dépendants. Deux d’entre eux travaillent en entreprise, un autre en ESAT, un quatrième, paraplégique, étudie en 6e année de médecine.

« L’association accueillait des jeunes sortant d’institutions, poursuit Martine Valla. On a cherché un accord avec des bailleurs sociaux. Mais les architectes n’étaient pas au fait des besoins ». L’association a conduit un travail d’information durant plusieurs années, afin d’obtenir l’adaptation de petites unités de logements, avec installation de salles de bains à l’italienne (avec douches à siphon de sol), de fenêtres basses, de l’espace indispensable au rayon de giration d’un fauteuil roulant.

« Le projet satisfait les usagers, conclut Martine Vallat, aucune place se libère, et nous avons une quinzaine de demandes ». L’un des occupants de La Rosière, Patrick, âgé de 20 ans, sort d’un Institut d’Education Motrice. Il partage un 3 pièces avec François, 27 ans, qui réside ici depuis plus de 4 ans : « Ça ne me paraît pas extraordinaire, ce genre de résidence devrait être pour tout le monde ! », estime-t-il. D’autant qu’au pied de l’immeuble une ligne de tramway offre un accès aisé à la ville. Les deux jeunes gens occupent une partie de leur temps par le sport, dans l’équipe locale de foot-fauteuil, compétition pour François et loisirs pour Patrick : « J’ai plus de liberté, constate ce dernier, je sors quand le veux. Mais ça me fait me poser des questions sur l’intégration sociale : je suis allé à la fête des Lumières début décembre, il y avait trop de monde, je n’ai pas vu grand chose ». L’un et l’autre vivent avec l’Allocation Adulte Handicapé. L’allocation logement couvrant une grande partie du loyer, ils conservent une centaine d’euros à leur charge pour un appartement domotisé (volets et porte d’entrée). Mais les murs et cadres de portes souffrent du passage fréquent de gros fauteuils électriques, ce qui devrait conduire Grand Lyon Habitat à rénover les appartements adaptés plus fréquemment que d’ordinaire, la qualité très moyenne des matériaux employés s’avérant inadaptée à l’usage par des personnes lourdement handicapées.

Dans une résidence voisine, Mehdi revit : cet adolescent myopathe peut désormais sortir de chez lui quand il veut. Avant cela, l’appartement de sa mère était au 8e étage d’un immeuble dont l’ascenseur fonctionnait… parfois. Si ce nouvel appartement en rez-de-chaussée ressemble à tous les autres, la chambre de Mehdi dispose d’une salle de bains attenante avec douche adaptée. « On a presque dû manifester pour avoir ce nouvel appartement en 2003, rappelle la mère de Medhi. Ç’a été des pleurs, de la misère, une galère durant 4 ans, avec le soutien de l’AFM lors des rendez-vous, en harcelant : il n’y avait pas de logement. On a découvert celui-ci un peu par hasard ». Grand Lyon Habitat a adapté l’appartement après que les finitions ont été réalisées, ce qui explique que les cadres de portes métalliques sont demeurés, laissant juste passer le fauteuil roulant électrique du jeune homme.

Medhi et sa mère sont visiblement heureux dans cet appartement, bien qu’ils ne puissent profiter ni du jardinet privatif (pollué par d’indélicats voisins qui confondent leurs fenêtres avec un vide-ordures) ni du petit parc de la résidence, fermé depuis que des « racailles » venaient la nuit y dealer de la drogue. Même dans des petits immeubles, les contraintes du logement social s’imposent…

Laurent Lejard, mars 2010.

Partagez !