Le parcours du créateur d’entreprise est loin d’être simple et Abderamane Deme en éprouve actuellement les affres. Âgé de 28 ans, encore célibataire, ce jeune français d’origine sénégalaise a créé en 2008 une entreprise touristique, Adapt Tour, pour montrer que les personnes handicapées sont capables d’initiatives comme tout le monde. Il a toujours vécu en France, tout en conservant des liens familiaux au Sénégal, pays dans lequel il s’est rendu à plusieurs reprises pour étudier le tourisme sur le terrain. Il partage maintenant son temps entre la France et le Sénégal, sans disposer de gros moyens : son père est ouvrier et sa mère s’est occupée de ses cinq frères et soeurs.

Abderamane Deme a investit ses économies et celle de sa famille dans son projet d’agence touristique spécialisée. Il espère lancer une offre de produits plus complète à la rentrée 2009, certain que la « niche » est porteuse : à Mbaling, près de Mbour, il existe déjà une maison d’hôtes qu’Adapt Tour commercialise. En complément, diverses excursions sont proposées à Dakar, au lac rose, etc. Abderamane Deme négocie également un partenariat avec un grand complexe de Sali dont tous les bungalows sont de plain-pied. Mais il peine pour trouver des hébergements dans la capitale : « On a visité une vingtaine de grands hôtels à Dakar, mais ils n’ont pas de chambres adaptées, elles sont seulement spacieuses ». Un partenariat avec une association de médecins lui permet de proposer la mise à disposition d’auxiliaires de vie 24h/24. Et les transports sont assurés par un taxi adapté qui peut transporter jusqu’à cinq personnes en fauteuil roulant.

S’il a constaté qu’il est difficile d’obtenir des fonds pour financer son investissement (les banques françaises rechignent à couvrir un projet à l’étranger), Abderamane Deme bénéficie toutefois du soutien de l’Agence nationale de promotion du tourisme du Sénégal (ANPTS) : c’est elle qui a pris en charge le stand d’Adapt Tour lors du salon touristique Le Monde à Paris en mars dernier. Mais Abderamane Deme regrette que cette agence ne dispose pas de financement pour aider les projets innovants. D’autant que sa rencontre avec le conseiller spécial pour le handicap du président sénégalais Abdoulaye Wade n’a pour l’instant pas eu de suite.

Ces déconvenues ne l’empêchent pas d’affirmer son goût pour l’entreprenariat, et de préparer la création en collaboration avec un médecin d’une structure touristique adaptée aux personnes handicapées au Sénégal : « Je voulais construire un hôtel adapté, mais faute de moyens, on s’est dirigé vers des partenariats, pour économiser et construire plus tard ».

Abderamane Deme s’est bien évidemment intéressé à la zone (très) touristique de Sali, situé à 80 km au sud de Dakar, dont le littoral est déjà saturé. Une nouvelle zone est en cours d’aménagement par l’État sénégalais à Pointe Sarêne, au sud de Mbour, à une centaine de kilomètres de la capitale. Mais pour Abderamane Deme, la création de son entreprise et la réussite qu’il en espère ne sont qu’une étape dans son parcours professionnel : il voudrait intégrer une organisation internationale, dans l’espoir de pouvoir agir en faveur de l’amélioration des dures conditions de vie des personnes handicapées au Sénégal, avec cette devise originale : « Je me sers de la dépendance pour, demain, ne plus être dépendant »…

Laurent Lejard, mai 2009.

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