Sylvie Planquelle a 40 ans. Elle ne vit de façon autonome que depuis 3 années, avant elle était chez ses parents. Elle travaille à mi-temps et habite à La Chapelle d’Armentières (Nord). « Je réside depuis trois ans dans un logement social, dont le bailleur va enfin modifier l’accès à l’immeuble pour gommer une marche gênante. Quand je me suis installée là, j’ai fait fabriquer par un artisan une petite rampe qui permettait de franchir ce seuil ». Depuis ses 8 ans, Sylvie Planquelle assume quotidiennement les séquelles handicapantes d’une maladie neuromusculaire qui la rend dépendante. Grâce à la loi du 11 février 2005 et la création de la Prestation de Compensation du Handicap, elle a pu acquérir les conditions d’une vie autonome, en obtenant le financement de 20 heures quotidiennes d’aide humaine, ce qu’elle estime suffisant pour couvrir ses besoins : « Sauf quand l’informatique déraille comme en mai dernier, les 7.000€ de prestations n’ont été payés qu’en septembre, j’ai dû assurer la trésorerie ». Sylvie Planquelle est encore étonnée qu’il n’existe aucune procédure d’urgence pour pallier à ce genre de problème technique. « Avoir des loisirs, c’est possible oui et non. Parce qu’il est logique que je paie pour mon aidant au cinéma, au spectacle, au restaurant. D’ailleurs, je gère mon budget au moyen de deux comptes bancaires : l’un pour mes dépenses personnelles, l’autre pour l’aide humaine. J’emploie des gens très compétents mais qui sont mal payés parce que le taux imposé de rémunération est de 11,53€ brut toutes charges comprises ». Avant la loi de février 2005, Sylvie Planquelle ne percevait qu’une Allocation Compensatrice Tierce-Personne à 70 %, soit 680€ par mois.

C’est sur la prise en charge des aides techniques qu’elle constate que la P.C.H. est à la fois partielle et incomplète. L’équipe technique de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), avec un ergothérapeute, s’est rendue à son domicile en septembre 2006 pour évaluer ses besoins : nouveau fauteuil roulant électrique, robinet automatisé, contrôle d’environnement, accès sécurisé, etc. Sylvie Planquelle est confrontée aux modalités de financement de ce matériel coûteux dont elle a besoin pour vivre convenablement à domicile, et le nouveau fauteuil roulant qu’elle envisage coûte 34.000€. Pour obtenir ce financement, les délais de la MDPH sont très longs, et on lui demande de remplir de lourdes formalités. « Depuis septembre 2006, ça n’a guère bougé. Je dois passer prochainement en Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée pour l’examen de ma demande de P.C.H au titre des aides techniques ».

Depuis, le temps a passé et les devis sont devenus périmés. Il faudra les actualiser, et introduire une nouvelle demande pour couvrir les surcoûts. « Et si les financements sont insuffisants, il faudra que je reprenne mon bâton de pèlerin. Si j’avais besoin de petit matériel, une canne, un fauteuil roulant manuel, il n’y aurait pas de souci ». Sylvie Planquelle estime que l’administration du département du Nord n’était pas prête, lors du déploiement des dispositions de la loi de février 2005 : « Elle a été submergée. Le Nord est un gros département, avec de gros besoin en aides humaines à satisfaire. L’urgence, c’était de traiter cette demande ». Le facteur temps pèse lourd : « À un moment, j’ai laissé tomber, le découragement est un risque réel. On se demande parfois si ce n’est pas ce que veut l’Administration. J’ai ressenti ce sentiment de gêner, d’être perçue comme une emmerdeuse. Lors d’une conférence publique au début de l’année 2008, j’ai dis ceci : on a l’impression de mendier, d’embêter, ça remet en cause notre existence même. Je sers à quoi ? Je ne suis que demandeuse d’aide pour tout, parfois j’ai craqué, je me demande à quoi je sers. Et tout le temps, il faut justifier de son incapacité, en fournissant un certificat médical qui me renvoie en plein visage mon handicap. Je dois toujours justifier, alors que la pathologie n’évoluera pas en mieux, elle est acquise. Mes aides humaines, on me les a attribuées pour trois ans au lieu du délai maximum de 10 ans. Et après, l’administration dit qu’elle est surchargée de dossiers. J’ai acquis l’un des premiers bras robotisés fabriqués aux Pays-Bas : pas de prise en charge de la Sécurité Sociale, la P.C.H a financé 3.000€ et la mutuelle 850, il est resté 2.500€ à ma charge. Avec ce matériel, j’ai épuisé une ligne de financement prévue au titre de la P.C.H, ce qui conduit à faire des choix. On n’a pas accès aux progrès technologiques destinés aux personnes handicapées dépendantes ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2008.

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