En partenariat avec l’hôpital national de Saint-Maurice (Val de Marne), l’association francilienne Pompier Raid Aventure – G.M.F a emmené en Martinique six enfants et un staff médical de six adultes afin de participer à la première édition du Grand Raid Manikou. « Cette année, le principe est de placer les enfants et la course au coeur de notre projet, explique Jérôme Travers, président de l’association. D’ordinaire habitués à un rôle d’assistant, les enfants feront cette année partie intégrante de celle-ci puisque nous avons décidé de lancer un nouveau défi en réalisant le trail en joëlette. Ceci permettra aux enfants de vivre la course de l’intérieur, avec ses joies et ses difficultés, mais également et très certainement de dépasser des limites jusque là inconnues pour eux ».

330 concurrents sont au départ, dont l’équipe des pompiers vêtus d’orange, il est cinq heures du matin ce vendredi 14 décembre 2007, le jour ne s’est pas encore levé. 127 kilomètres et 6.000 mètres de dénivelé positif sont à parcourir, pour une traversée de la Martinique du Nord au Sud. Une première partie sans joëlette, du fait d’un relief accumulant les ascensions et descentes très techniques, avec celle du Morne Macouba qui mène les coureurs au sommet de la montagne Pelée. En partant du niveau zéro, ils grimpent à 1.300 mètres d’altitude pendant neuf kilomètres. Au fil de l’ascension, le gros du peloton s’étire et les premiers kilomètres donnent quelques indications sur la souffrance qui les attend.

Retrouver les coureurs sur le parcours est un défi pour les accompagnateurs qui, carte de l’île et road book de la course en main, essaient de repérer le meilleur point de rencontre tout en calculant l’itinéraire sur la carte. La course en joëlette commence enfin et Inès est impatiente : elle est la première à prendre place dans la joëlette, il est 17h30, l’équipe repart avec sa passagère sous les yeux ébahis des spectateurs et autres concurrents. Accompagnateurs et enfants rangent le matériel et tout le monde s’installe dans les véhicules, prêts à vivre un périple de deux jours, entre camionnette et joëlette.

C’est aux alentours de 21h30 et sous une pluie battante que nous les retrouvons au sommet d’une ascension. Fatiguée mais heureuse de son expérience, Inès laisse sa place à Andrée, non sans lui passer quelques consignes : « La montée a été très dure pour eux, il fait froid et ils commencent peut-être à fatiguer. Encourage-les, ils en ont besoin ». Andrée est un vrai boute-en-train, elle n’a pas son pareil pour mettre de la bonne humeur, Laurent se confie : « Andrée a pris place dans la joëlette à un moment crucial pour nous. Il faisait nuit, il pleuvait, nous venions de faire un sommet très difficile, c’était notre première expérience… Oui, je crois qu’elle et sa joie de vivre sont arrivés au bon moment. Pendant trois heures, elle n’a pas arrêté de chanter, de nous encourager, de nous raconter des blagues. Elle nous a vraiment redonné du courage et l’envie de ne rien lâcher ».

Ce n’est qu’à minuit que nous les retrouvons à un point de ravitaillement. Également fatiguée mais tout aussi ravie qu’Inès, Andrée laisse ses « porteurs ».

Le lendemain matin, les voilà repartis, mais sans la joëlette. En effet, la nuit qui les attend sera dure et longue. Au programme, trois sommets à gravir et autant à redescendre par des sentiers abrupts, étroits et à la seule lumière des lampes frontales. Sur recommandation de l’organisateur, l’équipe avait prévu que cette portion du parcours ne pourrait se faire de nuit en joëlette. Toute l’équipe accompagnatrice et les enfants se rendent à Petit Macabou, le deuxième relais du trail où les coureurs peuvent dormir, manger chaud et se faire soigner.

Il est six heures le lendemain, les enfants dorment encore lorsque les coureurs sont annoncés. L’ambiance est comme la veille à cette même heure juste avant le départ, c’est la joie d’être ensemble et la bonne humeur chez tout le monde. 7h30, il est temps de repartir, c’est Hugo qui a le plaisir de commencer sa journée dans la joëlette. Les concurrents regagnent la rive de l’océan Atlantique pour finir sur les bords de la mer des Caraïbes, trente-deux kilomètres aux paysages paradisiaques le long des côtes et des plages de sable fin ombragées de haies de palmiers.

Durant ce dernier tiers de la course, les enfants se succèdent dans la joëlette avec à chaque fois ce large sourire aux lèvres de celui qui descend et de celui qui monte dans ce « fauteuil du bonheur ». Motivé plus que jamais, Hugo décide de faire deux étapes d’affilées. Pour la deuxième, il court au côté des sapeurs-pompiers alors que c’est Fatima qui est dans la joëlette. Plusieurs fois, celle-ci doit descendre car les obstacles sont infranchissables avec quelqu’un dedans. Cela ne la dérange pas du tout et elle sera même ravie d’avoir réalisé des choses jusque-là inimaginables pour elle : « Avant cette aventure, je ne pensais pas pouvoir marcher longtemps, escalader, faire de grandes enjambées, glisser sur les cailloux… »

Il reste maintenant moins de vingt kilomètres avant la ligne d’arrivée et c’est au tour de Corentin de profiter de cette balade au bord de l’eau : « Ça fait tout drôle de monter dans la joëlette car cela fait longtemps que je ne suis plus en fauteuil. Mais ça m’a permis de rester avec les coureurs pour un moment de course alors que je ne peux plus beaucoup courir. Et puis j’ai vu des paysages somptueux ».

À peine dix kilomètres, et c’est l’arrivée, Corentin cède alors sa place au dernier « relayeur », Alexandre. C’est lui qui, plus habitué à son fauteuil roulant ou ses béquilles, va finir l’ultra-trail tel un roi dans son carrosse porté à bras d’homme ! Il est 17h20, le staff est posté à l’entrée du stade : « On les attendait et, alors que je n’y croyais plus, confie Andrée, je les ai vu arriver au bout de cette ligne droite. Le soleil couchant nous permettait juste de distinguer les silhouettes, mais nous savions que c’était eux. Ils avaient réussi, nous avions réussi… ». Le public présent est médusé et admiratif ; les organisateurs sont tous là, ils voient ensemble enfants et coureurs, mais n’en croient pas leurs yeux, les accompagnateurs ne peuvent plus contenir leur émotion et les expressions des visages en disent long lorsqu’ils ne sont pas cachés derrière des mains tremblantes.

Après 35 heures, 26 minutes et 22 secondes d’efforts, les six coureurs et les six enfants passent main dans la main la ligne d’arrivée. Pari réussi, aventure terminée, et des amitiés à jamais scellées entre enfants, accompagnateurs et coureurs…

Raphaël Soton, janvier 2008

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