Djamel Hamache vit à Paris depuis quelques années; 36 ans, marié, il est père de deux jeunes enfants. Il a croisé la poliomyélite à l’âge de 18 mois, alors qu’il vivait en Kabylie dans sa famille. Comme d’autres enfants du Maghreb ou d’Afrique noire, ses parents ont obtenu qu’il puisse recevoir des soins en France, à partir de l’âge de quatre ans. Sa scolarité, suivie à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts de Seine), puis à Hendaye (Pyrénées Atlantiques) où il a passé 11 années à l’hôpital Héliomarin, de 1974 à 1985, a été réduite à sa plus simple expression : « La primauté était donnée aux soins. J’ai subi beaucoup d’interventions chirurgicales pour tenter de redresser mes jambes, ça empiétait sur l’école ». Il avait un petit niveau d’instruction lorsqu’on lui a demandé de choisir une orientation, sans connaître l’éventail des choix possibles. « À l’hôpital Héliomarin, l’assistanat régnait, je ne côtoyais que des enfants handicapés ».

En 1985, il entre au centre médical et pédagogique pour adolescents de Neufmoutiers en Brie (Seine et Marne), où il reste jusqu’en 1990, « éjecté » de l’établissement. Durant ces années, il poursuit un apprentissage tout en recevant des soins continus. « J’ai choisi la comptabilité et le petit secrétariat par confort. En fait, je me suis retrouvé dans une classe de secrétariat composée uniquement de filles, on avait choisi pour moi ! » Il a juste 20 ans quand il quitte Neufmoutiers, sans avoir été préparé à une vie indépendante, ni disposer d’un point de chute : « Je ne pouvais pas aller vivre chez mon père, ouvrier, qui logeait dans une chambre de bonne. Je me suis débrouillé comme j’ai pu, en habitant à Meaux chez un ami. Je n’avais ni revenus, ni carte d’invalidité, ni allocation. J’ai réussi à trouver un TUC [Travail d’Utilité Collective] grâce au soutien d’associations locales ». Dans le même temps, Djamel Hamache poursuit sa pratique sportive au sein du club de basket en fauteuil roulant de Meaux (Seine et Marne), sport dans lequel il avait débuté en 1987 au centre de Neufmoutiers.

« Je n’avais pas la nationalité française lorsque j’ai été employé comme aide comptable dans un collège de Meaux. L’assistante sociale de Neufmoutiers ne s’était pas intéressée à ma situation. Heureusement, dans mon travail on m’a donné des tâches intéressantes, telle la mise en place de l’informatique dans l’établissement; j’ai été apprécié dans ces activités. Mais je ne pouvais obtenir un emploi durable à l’éducation nationale, n’étant pas français ». Alors, il enchaîne des formations en informatique, technique de recherche d’emploi… Laquelle s’est avèrée difficile, malgré son profil et la pratique de l’anglais. Un organisme qui travaillait pour l’Agefiph avait pour tâche de procurer du travail aux personnes handicapées; grâce à son soutien, il a intégré une compagnie d’assurances parisienne, gestionnaire de dossiers de prévoyance payé au SMIC tout en continuant d’habiter à Meaux.

Des années (1991 à 2000) qui correspondent à la période de domination de son club sur la compétition nationale et européenne de basket : « Ce sport m’assure un maintien physique sans rééducation, et puis j’ai la passion du jeu. Le basket n’a pas été vraiment un choix mais il m’a fait voyager, rencontrer, échanger, constater qu’on pouvait conduire, avoir une bonne situation. Il m’a ouvert sur le monde par opposition à la fermeture du centre, qui ne prépare pas la sortie vers la vie ordinaire. J’ai appris à aller au restaurant, à me poser des questions financières, ça m’a mis un peu la rage, en déclenchant l’envie d’en sortir ».

Djamel Hamache travaille actuellement comme opérateur sur titres pour une filiale commune du Crédit Agricole et de la Caisse d’Epargne; il est cadre. Précédemment, il avait travaillé cinq ans en salle de marché comme chargé de clientèle, jusqu’en 2005, pour une société de bourse en ligne : « Ce travail a nécessité un investissement personnel important pour apprendre et me mettre à niveau, j’ai réussi à vendre mes compétence en informatique et mes contacts clients, constitués lorsque je travaillais pour la compagnie d’assurances. » Son employeur ayant connu des difficultés financières, Djamel Hamache a quitté cette société à l’occasion d’un plan social et du déménagement de l’entreprise vers le quartier d’affaires de la Défense. Il a récemment entamé une reconversion sportive vers le tennis, qu’il pratique déjà en loisirs : en partie par lassitude de se retrouver au sein d’un groupe de sportifs dont la « vivacité » ne correspond plus à l’adulte réfléchi qu’il est devenu, également parce qu’il a atteint le plus haut niveau possible dans un club sportif qui a gagné toutes les compétitions nationales et internationales. Mais surtout pour consacrer à sa famille, à ses deux enfants, davantage de temps..

Laurent Lejard, novembre 2006.

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