La photographie, Jean-Marc Chapuis la pratique depuis longtemps, il s’y est formé lors de son service militaire : « à l’armée, je faisais de la photo entre copains parachutistes ». Trois mois après avoir quitté le régiment, il devient paraplégique à la suite d’un accident automobile et se forme à la prise de vues lors de sa rééducation, installe un laboratoire dans une chambre de bonne avec un ami kiné, Patrick Auer. Tous deux espèrent gagner quelque argent en réalisant des photos de famille ou de mariage, espoir vite déçu. Alors Jean- Marc s’intéresse à la photographie sportive, ses premières images portant sur les compétitions automobiles, notamment au Circuit Paul Ricard du Castellet (Bouches-du-Rhône).

Il pratique le tir à l’arc dès 1972, dans un club de valides, et se prend au jeu de la compétition au fil de performances qui le conduiront aux Paralympiques : trois titres de champion à Toronto (Canada, 1976), Arnhem (Pays- Bas, 1980) et Stoke- Mandeville (Angleterre, 1984). Lors de ces jeux, les compétitions de tir à l’arc avaient lieu dans des villes différentes des Olympiques ou des autres sports paralympiques et c’est lors des Jeux d’Atlanta, en 1996, que Jean- Marc découvrira l’ambiance des Jeux, comme photographe accrédité. Il avait entre- temps arrêté la compétition, après que la Commission fédérale handisport eut décidé de n’envoyer, lors de Jeux de Séoul (1988), que des tireurs à l’arc debout, espérant des résultats… qui ne vinrent pas !

La passion de la photo le reprend, et il fait du handisport son sujet de prédilection. En indépendant, organisant lui- même ses déplacements (au grand étonnement du président de la Fédération Française Handisport !) tentant de vendre des images pour couvrir ses frais : « pour cela, il faut connaître des gens, monter des dossiers de subvention. Le monde des handicapés est un monde à part, on peut faire les mêmes choses, et parfois mieux, que les valides mais avec moins de droits ». Des images rapportées par Jean- Marc Chapuis d’Atlanta 1996 et de Sydney 2000 ont été achetées notamment par EDF (pour un livre commémoratif), par le Conseil Régional Provence- Alpes- Côte- d’Azur et par la Commission Européenne. « Pour se faire payer, c’est toute une histoire. Par exemple, pour la région PACA, nous étions d’accord mais au moment d’envoyer la facture, on ne voulait plus me payer, arguant de mon statut non- professionnel. Il a fallu que j’utilise mon association, Sporavie (sport- photo- loisirs), pour obtenir ce qui était prévu. Mon travail intéresse beaucoup… s’il ne coûte rien ! ».

Lors des Paralympiques de Salt Lake City 2002, Jean- Marc Chapuis est le seul photographe en fauteuil roulant. Une partie des bus permettant de se rendre sur les sites des compétitions ne lui étant pas accessible, le Comité d’organisation a mis à sa disposition un monospace équipé d’un élévateur; pour tous ses déplacements: « l’accueil des américains est formidable, ils sont conviviaux, disponibles, connaissent les besoins des personnes handicapées et se mettent à leur disposition. A coté, la France c’est le pays de la mendicité, on fait cadeau du prix des places ou des parkings et on est traité à part. Aux USA, on paie comme les autres, on est au milieu des autres et on est à l’aise comme les autres ».

Jean-Marc privilégie l’instant de l’émotion ou de l’effort, cherchant à traduire en images la joie ou la déception, le plaisir expansif ou rentré, l’effort des muscles tendus à l’extrême dans la recherche de la performance, la concentration avant l’élan. L’humain, c’est son sujet…

Laurent Lejard, mars 2002.

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