Les situations rencontrées dans la médecine dite « de ville » sont tellement diverses – en bien comme en mal – qu’il est impossible de les comparer sans risque de caricature et de désinformation. Regardons donc à travers trois exemples révélateurs ce qui se vit encore trop souvent en milieu hospitalier…

En premier lieu, il y a la question de l’accessibilité matérielle. Si les barrières architecturales ont peu ou prou été abolies pour pénétrer dans les bâtiments, la circulation à l’intérieur des locaux est parfois problématique. Voici Dorothée, une jeune femme amputée des deux jambes, hospitalisée dans un service d’obstétrique. Habituellement elle porte des prothèses et utilise son fauteuil roulant quand elle est trop fatiguée. Jeune accouchée, elle ne marche pas encore. Malheureusement, la porte de la pouponnière est trop étroite et elle ne peut pas accéder à la table de soins pour s’occuper de son bébé. Déjà regardée avec circonspection, elle se sent exclue et (re)marquée par sa différence.

Quand la communication entre soignant et soigné devient confuse, les situations handicapantes sont peut- être encore plus difficilement surmontables. Dans l’univers technique qu’est devenu l’hôpital aujourd’hui, on ne prend pas toujours le temps nécessaire pour s’assurer que chacun a pu s’exprimer et a été compris. C’est le cas de Michel, adolescent IMC à l’élocution difficile. Il a l’impression d’être tenu pour débile puisque le chirurgien ne lui a pas adressé la parole, ne discutant qu’avec son accompagnateur : « On lui a fait tel examen… après l’intervention, il fera ceci et cela »…

Enfin il y a Léa. Elle est tétraplégique à la suite d’un accident de la route. Hospitalisée en urologie pour tenter de régler son incontinence, elle n’est pas parvenue malgré ses demandes et explications réitérées à faire comprendre au personnel soignant l’importance des soins pour prévenir les escarres. Elle repartira avec les deux talons blessés. Jamais au cours de son séjour, elle n’a rencontré quiconque capable de prendre en charge la globalité de ses pathologies. On s’est occupé de la vessie de Léa… et on a oublié Léa !

L’accès aux soins des personnes handicapées ne peut pas être considéré comme la revendication d’un groupe social marginal. Il fait partie de la sécurité sanitaire, une mission au centre des préoccupations d’un état moderne. Mais une nécessité qui ne peut être concrétisée quand sont privilégiés au respect du droit des malades, les impératifs des restructurations administratives, des rapprochements et des transferts d’activités médicales. Les démonstrations médiatiques autour de réalisations comme le nouvel hôpital parisien Georges Pompidou, présenté tel un modèle d’accueil des personnes handicapées, ne font que renforcer aux yeux de tous l’urgence de prendre en compte dans les milliers d’établissements sur le territoire français, la situation des citoyens handicapés.

Pierre Brunelles, décembre 2000.

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