Dans la rue – Lundi 18 septembre, Franck Maille, sportif paraplégique de haut niveau, emprunte Eole, la dernière- née des lignes du RER parisien. Il s’arrête à Pantin pour découvrir une station n’offrant aucune accessibilité. « On se fout vraiment de notre gueule, tonne- t-il. Le pire c’est qu’avant l’inauguration, la S.N.C.F nous a fait visiter des stations parisiennes accessibles en nous certifiant que toute la ligne était aménagée de la même façon » (Libération du lundi 18 septembre 2000). Comme lui, dans vingt-huit villes françaises, des personnes handicapées et valides ont procédé à une série d’actions « coup de poing » en direction des transports en commun. Du nord au sud et de l’est à l’ouest du pays, ce sont principalement les bus qui ont été pris en ligne de mire. A Nice, un « commando » formé d’une douzaine de personnes en fauteuil roulant et d’accompagnateurs valides a distribué des tracts expliquant sa démarche. « Nice a acheté des bus à plancher bas mais les travaux de voirie ont été mal conçus et nous attendons toujours que le tout soit testé », raconte, amer, Denis Taccini, délégué départemental APF. « A Rennes, la ville a aussi acquis des bus mais les adaptations de trottoirs traînent, renchérit Charlotte Mélandre, chargée de communication pour la délégation APF. Le VAL, le métro rennais, qui devrait ouvrir fin 2001, sera accessible, mais il ne dessert qu’une ligne Nord-Sud, comment faire pour aller d’est en ouest ? ». A la Rochelle, un bus est à l’essai en site propre mais l’ensemble du réseau est absolument inaccessible. Bien sûr, un peu partout, les transports spécialisés tentent de pallier ces graves carences. Ils conviennent de plus parfaitement à certaines personnes. Cependant, la revendication dénonce une situation intolérable : « malgré la loi qui fait de l’accessibilité aux transports en commun une obligation à laquelle, en principe, les pouvoirs publics ne peuvent se dérober, la presque totalité d’entre-deux restent encore et toujours inaccessibles ».

Décalage – Pourtant ces lois ne datent pas d’hier. Elles ont cependant été peu suivies d’effets. Aujourd’hui, les bâtiments neufs ou en réhabilitation recevant les voyageurs doivent être accessibles. Il en va autrement du matériel roulant. Rien n’est imposé lors de leur conception. Une directive est à l’étude dans les service de l’Union Européenne à Bruxelles depuis trois ans et concerne surtout les autobus urbains. En attendant, c’est le flou. La S.N.C.F se défend de n’avoir rien entrepris. « Nous faisons des efforts, explique- t-on, il est faux de dire que nous n’avons pas le souci des personnes à mobilité réduite. Les nouvelles gares montrent le contraire. Une grande partie d’entre elles sont anciennes et leur mise en accessibilité est, de ce fait, complexe et coûteuse. De plus, nous avons lancé la modernisation des voitures corail. Nous sommes en phase de validation de ces prototypes qui auront un élévateur intégré ». Face aux transporteurs, les usagers ne l’entendent pas de la même oreille. « Ils en ont assez que les décideurs ne se sentent pas obligés de répondre à l’obligation qui leur est faite par la loi. C’est inacceptable », rapporte Marie- Sophie Desaulle, la nouvelle présidente de l’APF.

Question de culture – Pour Odile Grisaud, rapporteur général du Comité de liaison pour l’accessibilité des transports et du cadre bâti (Coliac), les raisons du retard sont dues à « une question de culture. Dans l’esprit des décideurs et des concepteurs le handicap est relié à la santé et non au social et à l’économie. Ils appliquent éventuellement la loi mais n’ont pas de véritable intelligence des problèmes qui d’ailleurs dépassent les seules personnes handicapées. Une étude récente montre qu’en région parisienne, 35% de personnes éprouvent des difficultés à utiliser les transports en commun. C’est énorme. Aménager des gares, des véhicules, éviter les emmarchements, etc., sont des dispositions qui bénéficient à tous. On a montré que les lignes disposant de bus à plancher bas se voient davantage fréquentées par les personnes âgées dans la journée, en heures creuses. C’est donc rentable. Il faudrait que les différents usagers se rassemblent et que cela ne reste pas seulement l’affaire d’une association. Ce n’est qu’à ce moment là, qu’on prendra davantage conscience des potentialités en terme de marché et de poids électoral que représentent ces populations ». A quand de prochaines manifestations réunissant au coude à coude, les personnes handicapées et les papys, mamies, pères et mères avec leur joyeuse progéniture ?

Delphine Siegrist, septembre 2000.

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