On ne compte plus le nombre d’années qui ont été nécessaires pour définir une norme relative à l’adaptation des feux tricolores aux besoins et à la sécurité des déficients visuels. Les décrets d’octobre 1999 relatifs à l’adaptation de la voirie aux personnes à mobilité réduite, dont les aveugles et malvoyants, instauraient que « les feux de signalisation tricolores équipant les passages doivent comporter un dispositif conforme aux normes en vigueur permettant aux non- voyants de connaître la période où il est possible aux piétons de traverser les voies de circulation » publiques et privées ouvertes à la circulation publique. Le « dispositif » était précisé dans une instruction ministérielle mais il aura fallu attendre cinq ans, presque jour pour jour pour, que la norme soit définie et publiée, le 1er décembre 2004, par l’Association Française de Normalisation (Afnor).

Présentation de la norme. La norme française « Dispositifs répétiteurs de feux de circulation à l’usage des personnes aveugles ou malvoyantes » porte la référence NF S 32 002. Elle prend effet le 20 décembre 2004 et a un caractère obligatoire qui s’impose aux fabricants de matériels et aux donneurs d’ordres. Elle détaille les spécifications techniques des systèmes sonores ou tactiles à installer sur les feux tricolores. Le système doit être parfaitement synchronisé avec le signal lumineux destiné aux piétons. Le répétiteur tactile, dispositif qui semble avoir été abandonné (ses concepteurs se sont-ils demandés comment un aveugle pouvait trouver une borne située sur un poteau qu’il ne voit pas et que son chien- guide évitera comme on lui a appris à le faire avec les obstacles ?), doit fonctionner en permanence. Le répétiteur sonore est soit permanent, soit activable par bouton- poussoir (là encore, il faut pouvoir le trouver !) ou télécommande. Le mode « permanent » peut être limité à quelques heures de la journée, le reste du temps le système restant activable. Le mode sonore comporte un message parlé « rouge piéton » en langue française uniquement sur cette phase du feu, pouvant être complété par une information de localisation ou de direction. La phase verte du feu piéton est figurée par un signal sonore codé, dont les spécifications techniques figurent dans la norme; son amplitude doit être située entre 35 db(A) et 81 db(A). La télécommande se fait sur une fréquence (868,3 Mtz) et un codage uniques (338A00). En résumé, le mode sonore des feux tricolores français sera parlé sur la phase rouge, codé sur le vert, permanent ou activable par bouton ou télécommande.

La norme règlera-t-elle la querelle ?
 Plus de cinq années auront été nécessaires pour que le groupe de réflexion stratégique de l’Afnor accouche de cette norme. Les associations d’aveugles et de malvoyants ne parlent pas d’une même voix sur ce dossier dont on s’aperçoit rapidement qu’il est pollué par des considérations purement économiques. Dans un contexte aussi particulier, rien ne permet de penser que la querelle soit close par la norme Afnor. D’autant que vient s’y ajouter une étude portant sur les traversées complexes : il s’agit d’évaluer l’efficacité du système rouge parlé et vert codé sur des traversées en deux temps, des carrefours à avec îlots et multiples directions. Le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu), qui dépend du Ministère de l’équipement, des transports et du logement, vient de démarrer cette enquête à Paris et à Lyon. Le Certu a recruté des volontaires aveugles ou malvoyants qui doivent tester des traversées existantes sous l’oeil d’une caméra et le regard d’experts. Avec comme limites ce qu’écrivait récemment au président du Comité Louis Braille de Lyon, Alain Duchon- Doris, le Ministre de l’équipement, Gilles de Robien : « Lorsque du fait de carrefours particulièrement complexes, des difficultés spécifiques de mise en oeuvre des répétiteurs de feux se posent, il convient de ne pas équiper ces feux plutôt que de ne pas respecter les règles définies ». Alain Duchon- Doris estime qu’un message parlé sur la phase verte serait de nature à améliorer l’information et l’orientation des déficients visuels et il déplore la nouvelle norme, trop minimale à son goût : « Les aveugles sortent difficilement seuls, l’accessibilité régresse du fait de l’encombrement croissant des trottoirs par du mobilier urbain, des panneaux publicitaires, des aménagements mal conçus. Les rues piétonnes ne sont pas adaptées, on ne parvient pas à s’orienter ». Et si le gros du problème était là ?

Laurent Lejard, décembre 2004.

Partagez !